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L'Assembléegénérale1998

Le texte du rapport présenté le 23 juillet 1998 à Barcelone par le délégué général, le débat, le vote.


L’Assemblée se tient comme prévu le jeudi 23 juillet, Sala Maremagnum, Moll d’Espanya. Accueil à partir de 9h30 ; début à 10h00 ; fin vers 16h00. Restauration sur place, avec des “tapas”.


L’ordredujour
établi par le Conseil de l’Association, est le suivant :

 - Ouverture par Bernardino Horne, Président de l’Assemblée générale, à 10h  
 - Rapport de Jacques-Alain Miller, délégué général de l’Association  
 - Discussion
 - Rapport de trésorerie par Colette Soler, trésorière de l’Association
 - Discussion, puis vote du quitus financier à main levée
 -
Vote indicatif à bulletins secrets, suivi d’une pause “tapas” à 14h
 - Résultat du vote indicatif par Ricardo Seldès, Secrétaire de l’Association, à 15h
  -
Confirmation à main levée du résultat
  - Discussion générale, terminée à 16h  


1Bernardino HorneAllocution d’ouverture

 

                Estimat companyes. Pressados colegas. Chers collègues. Dear colegues. En vous saluant ainsi je souhaite montrer qu’il y a une quantité de langues ici présentes dans la multiplicité de notre Association Mondiale. C’est parfois une source de problèmes, mais  c’est aussi un enrichissement.

                Il s’agit de la troisième assemblée de notre Association Mondiale. Nous avons eu hier,  toute la journée, une conversation étendue, elle-même précédée d’une série de  conversations et communiqués que tout le monde connaît. Je pense que la plupart d’entre vous avez les idées plus ou moins claires pour pouvoir prendre aujourd’hui une position, puisque cette Assemblée devra élucider quelques questions et prendre des décisions fondamentales pour l’AMP, et par là aussi, pour le futur de la psychanalyse dans le monde.

                Depuis la Carta Magna, il y a plus de mille ans, il est interdit dans les Assemblées de s’interpeller directement ou bien de répondre en mentionnant à qui l’on répond. La parole doit être adressée directement à la présidence. En somme, le contraire d’une conversation.

Le président annonce l’ordre du jour :

1) Rapport du Délégué général  
2) Discussion  
3) Vote à bulletin secret organisé par Ricardo Seldes en présence d’un notaire
4) Reprise de la discussion
5) Rapport de trésorerie
6) Vote du quitus à main levée
7) Résultats du vote à bulletin secret et validation des résultats à main levée  
8) Discussion finale et générale

Bernardino Horne demande au délégué général de prendre la parole pour la lecture de son rapport. 

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2Jacques-Alain MillerRapport à l’Assemblée générale

   

“ Je suis comme je suis  
Je suis faite comme ça ”  

Jacques Prévert

                    Ce sont les vers de Jacques Prévert que je place en exergue du présent Rapport.

                En 1994, alors que l’AMP était encore une réalité discrète, presque invisible, j’avais choisi la réplique de Nestroy, cité par Freud : “ Au cours des événements, tout deviendra clair ”. Il y a deux ans, en 1996, j’avais placé mon Rapport sous le signe de Kierkegaard : “ J’ai compris que ceci était ma tâche : de créer partout des difficultés ”, au moment où j’invitais l’Association à résister à la pente qui l’entraînait vers l’engourdissement, la glaciation, pour embrasser une politique du Witz. Cette année, avec Prévert, je mets l’accent sur la nature et sur les fondements de l’Association, parce qu’ils ont fait l’objet d’une mise en cause inédite.

                J’ai aujourd’hui à vous rendre compte des activités de l’Association durant les deux années qui se sont écoulées depuis notre Assemblée de Buenos-Aires. J’ai à vous peindre l’état de l’Association en ce mois de juillet 1998. Enfin, troisièmement, j’ai à vous indiquer dans quelle direction j’entends emmener notre Association durant les deux années à venir, si votre Assemblée veut bien me renouveler sa confiance pour le faire.

                Le vote viendra ensuite, et le résultat du vote.

                Du point de vue légal, seul compte le nombre de oui et le nombre de non. Si le nombre des oui l’emporte sur les non, je continuerai d’assurer les fonctions de délégué général pendant les deux prochaines années. Du point de vue politique, le partage ne s’établit pas ainsi. Il y aura ceux qui me renouvelleront leur confiance et qui voteront oui ; il y aura ceux qui me retireront leur confiance en votant non, ou en s’abstenant, ou en refusant de voter. Le vote non, l’abstention, le refus de vote, sont, dans les circonstances présentes, autant de façons de refuser sa confiance à l’actuel délégué général. Il sera donc légitime de tenir compte de la proportion entre les oui, d’une part, et tous les autres, d’autre part.

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I

 

                Depuis la date de notre précédente Assemblée générale, le 22 juillet à Buenos-Aires, l’Association n’a pas cessé de se développer.

                Le crédit ne m’en revient pas. Il revient aux responsables des cinq Écoles qui sont les membres institutionnels de l’AMP, et entre lesquelles se répartissent les membres de l’Association.

                L’École de la Cause freudienne continue de s’étendre ; les entrées par la passe sont nombreuses ; les ACF s’ancrent dans la vie des villes et des régions.

                L’École du Champ freudien de Caracas a renforcé son implantation régionale à Maracaïbo ; tout en souhaitant être déchargée du soin de veiller au développement du Champ freudien en Colombie, elle a resserré ses liens avec les collègues de quatre pays de la région : Équateur, Pérou, Cuba et Guatemala.

                À l’École Européenne de Psychanalyse se prépare la création de l’École italienne, et le Conseil de la Section italienne en est déjà à étudier des projets statutaires ; l’EEP-Développement, créée il y a trois ans, s’est consolidée grâce à l’action d’un Directoire parisien animé par le Président de l’École ; l’EEP-Espagne reste peu intégrée, mais ses composantes régionales fonctionnent et pour la plupart grandissent.

                L’École de l’Orientation Lacanienne, qui fut longtemps l’École impossible, est devenue un modèle de stabilité et de dynamisme ; après un premier échec, elle a repris son implantation provinciale avec la création des Sections de Rosario et de Santa Fé ; la situation à Cordoba requière maintenant l’attention du Conseil.

                L’École Brésilienne de Psychanalyse, avec laquelle j’ai été récemment en contact, à Salvador de Bahia en avril, puis à Rio de Janeiro en juin, est, trois ans après sa création, une réalité indiscutée ; les cinq Sections historiques sont désormais complétées de diverses représentations locales ; la passe y fonctionne et s’y développe.

                Bref, les Écoles se démontrent être des organismes simples et robustes, faits pour exister dans la durée, dotées d’un système permutatif étendu qui donne à beaucoup de leurs membres l’occasion de s’essayer aux tâches de gestion et de direction à différents niveaux.

                Les cinq Écoles sont régies par des statuts comparables, qui répondent à la même inspiration, mais qui ne sont pas pour autant identiques, car ils ont été rédigés sur mesure, pour traiter les problèmes particuliers à chacune des Écoles. D’autre part, leur rédaction s’échelonne dans le temps, à des moments différents du processus institutionnel global, et les statuts portent la marque du moment où ils furent rédigés : la rédaction statutaire la plus ancienne est actuellement celle de l’EEP, la plus récente est celle de l’EBP.

                La création de l’AMP n’a pas procédé des Écoles, elle s’est ajoutée à elle. Elle n’a statutairement aucun pouvoir de gestion au sein des Écoles. L’Association comme telle intervient dans la marche des Écoles en des points très précis, que je signalais il y a deux ans dans les termes suivants :

                “ Le domaine propre de l’AMP n’est pas sans recouper les activités des Écoles. Il les recoupe régulièrement en trois points : les admissions ; la garantie ; la passe. Les admissions auxquelles procèdent les Écoles donnent accès à l’Association Mondiale ; les titres d’AME que donnent leurs Commissions de la Garantie sont reconnus par l’AMP ; il en va de même pour la qualité d’AE, décernée par les cartels de la passe. De ce fait, l’Association Mondiale, son délégué, son Conseil, son Assemblée générale, exercent un droit de regard sur ces diverses nominations ” (Préface au premier numéro de The Knot, 11 avril 1996).

                Au moment où j’écrivais ces lignes, je pouvais ajouter : “ Je souligne la qualité de ce moment, qui est d’harmonie, d’équilibre ”. Le panorama est aujourd’hui plus contrasté ; j’y reviendrai tout à l’heure.

                Il serait inexact de penser que l’AMP dirige les Écoles. Les Écoles sont dirigées et gérées par leurs organes responsables. C’est ce qui explique, par exemple, que j’ai pu pendant près de cinq mois (novembre 1997-mi-mars 1998), interrompre toute communication institutionnelle sans que rien ne se passe : non seulement les Écoles ne se sont pas effondrées ni bloquées, mais mon abstention totale est passée presque inaperçue de presque tous ; seuls les membres des Conseils s’en sont rendus compte. Cette expérience bien involontaire démontre que, loin de dépendre de l’impulsion d’un seul, la pérennité de notre système institutionnel est garantie par le fonctionnement autonome des cinq Écoles.

                J’ajoute que j’ai voulu cela. J’ai voulu démontrer que les institutions que j’avais pensées et fondées, étaient des institutions dignes de ce nom, enracinées dans la Wirklichkeit, soutenues par une adhésion profonde, capables de traverser le temps.

                J’écrivais en 1996 : “ Si je tiens la pérennité des Écoles pour assurée, il n’en va pas de même pour l’AMP ”. Les deux années qui viennent de s’écouler vérifient, me semble-t-il, la justesse de ce pronostic, qui s’avère, je l’avoue, plus vrai que je ne pensais. Les Écoles ne sont plus des utopies, comme ce fut le cas pendant les années 80 ; ce ne sont plus des mécanismes, des appareils ; ce sont désormais des communautés vivantes, dont on peut dire que, dans l’ensemble, elles sont sorties de l’enfance, elles ont atteint l’âge de la maturité. Il n’en va pas de même de l’AMP.

                À certains égards, l’AMP est solide, et je crois avoir fait beaucoup depuis six ans sous son égide, depuis la création de l’École Brésilienne jusqu’à l’introduction de la passe dans les quatre Écoles, ECFC, EEP, EOL, EBP, qui sont ainsi venues confluer avec l’ECF dans un impressionnant gradus unique, qui nous a valu, il y a deux jours, d’entendre côte à côte, sur un pied de parfaite égalité, tous les AE nommés au cours des deux années écoulés.

                L’AMP est le lieu de ce que j’ai appelé “le débat mondial”, commencé il y a deux ans. Des longues discussions de ce débat mondial, mené d’abord par fax, puis de vive voix à Buenos-Aires, sont sorties les décisions auxquelles nous devons l’articulation du “Rendez-vous de Barcelone” entre le Congrès et la Rencontre, les Rapports des cinq Écoles, le style nouveau du “Volume de la Rencontre”. Mais ce premier débat mondial était alors confiné aux membres de tous les Conseils. Les membres de l’Association en avaient pris connaissance par le bulletin Temps logique, sans pouvoir encore y participer. Aujourd’hui, la politique lancée par mon Rapport de 1996 a porté ses fruits : la connexion électronique est entrée dans les faits ; quatre listes de distribution existent : AMP-Varia, en espagnol ; AMP-Veredas, en portugais ; AMP-Messager, en français ; et, tout récemment, AMP-Corriere en italien. J’ai pu, en mai dernier à Paris, pour la première fois, convoquer une réunion par Internet uniquement. C’est dire le haut degré de connexion qui a été atteint, et qui rend concevable que les Écoles se donnent pour objectif d’accomplir la connexion à 100% de leurs membres.

                Par ce biais, il se tient un forum électronique permanent, qui fait exister l’AMP pour tous ses membres. Sans doute depuis le début de ce mois, peut-on constater que ce forum donne occasion de se répandre à des propos parfois peu réfléchis, qui ne sont pas tout ce que l’on pourrait désirer en termes d’affectio societatis. Mais c’est le prix à payer pour la liberté d’expression, où je vois un principe absolu, même si l’expression précisément mérite d’être révisée : il s’agit moins de liberté que de puissance — puissance de parler, puissance de communiquer —, et de l’augmenter chez les membres de l’Association. Que cette puissance s’exerce au détriment des responsables mêmes qui la rendent effective, est dans l’ordre. L’excès même ne doit pas faire reculer.

                Par un évident retournement, qui ne ferait figure de paradoxe que si nous ne savions pas que “ le mot est le meurtre de la chose ”, c’est au moment même où l’AMP devient l’objet de discours passionnés qu’elle révèle sa fragilité.

                Un certain nombre de collègues ont déclaré ces jours derniers sur Internet, et hier de vive voix à Barcelone, que le sens même de l’AMP, ses finalités, son rapport aux Écoles, l’action de son délégué général, leur étaient devenus opaques, parfois étrangers, et même repoussants. Il convient d’abord de résister à toute impulsion polémique pour enregistrer cela comme un fait. Ce fait mérite en soi-même d’être interrogé. La mise en cause des fondements de l’Association, le ravalement de l’affectio societatis au rang d’une suggestion qui serait exercée par un brillant rhéteur, la réduction des délicats mécanismes statutaires et réglementaires de cinq Écoles à l’exercice d’un pouvoir arbitraire et incontrôlé, à un abus de pouvoir permanent, — ces reproches, si injustifiés qu’ils puissent paraître, sont désormais un fait qui fragilise l’Association, et pourrait appeler à terme sa dissolution, si une réaction en sens contraire ne se manifestait pas.

                Ce sont ces données qui expliquent que l’Assemblée d’aujourd’hui constitue une heure de vérité pour l’AMP. Si les propos liquidateurs que nous avons entendus hier devaient rencontrer une vaste adhésion parmi vous, suscitant de nombreux votes contre, si le nombre des abstentions et refus de vote témoignait du fait que ces propos, sans emporter l’adhésion, rencontraient néanmoins un large écho, la vie de l’Association serait comptée. Devenue le théâtre d’une guerre intestine, elle deviendrait rapidement un boulet aux pieds des uns et des autres, et les uns et les autres finiraient par vouloir s’en débarrasser pour retrouver un rapport moins équivoque avec le lien associatif.

                J’ajoute très simplement que si je devais perdre aujourd’hui la charge de délégué général, les statuts seraient respectés à la lettre ; une nouvelle Assemblée serait convoquée par mes soins afin de procéder à une nouvelle élection. Mais la survie formelle de l’Association n’empêcherait pas son inéluctable disparition, car les forces vives qui assurent aujourd’hui le fonctionnement et le progrès de l’entreprise commune n’accepteraient pas de se mettre au service d’une politique inverse, irresponsable, et ouvrant à une liquidation de l’acquis.

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II

 

                Les admissions, la garantie, la passe. J’ai annoncé que le panorama d’aujourd’hui était plus contrasté qu’en avril 1996, où je pouvais évoquer un moment “d’harmonie, d’équilibre”.

                Concernant les admissions, à ma connaissance, le ciel est clair. L’entrée par la passe fonctionne, elle est le grand fait nouveau, qui s’est généralisé ; certes, les cartels de la passe n’en ont pas encore donné toutes les élaborations cliniques qu’elle appellerait ; tout en réitérant une demande, il faut ici savoir attendre : “la question de Madrid” est de 1990, et c’est seulement au cours de mon dernier mandat que cette procédure est devenue effective.

                Une doctrine de la garantie fait défaut. Depuis la création de l’École de la Cause freudienne, il n’y a pas eu de progrès sur ce point. Apparemment, la garantie se passe de théorie, et se suffit jusqu’à présent d’une pratique tâtonnante, empirique. Pourtant, plusieurs signes indiquent une crise à venir de la garantie. À l’ECF, un tiers des membres est AME ; lorsqu’une telle proportion est atteinte, il ne reste plus qu’à déplorer l’injustice faite aux deux autres tiers en les privant d’un titre si répandu.

                À l’ECFC, des membres ont été nommés AME à la création, d’autres ont été nommés ensuite par la Commission de la garantie de l’École. Aujourd’hui, l’École compte 17 AME sur un total de 120 membres et associés.

                La situation est distincte dans chacune des trois composantes de l’EEP : l’EEP-Développement ne donne pas le titre d’AME ; ce titre a été donné dès 1992 à trente membres de l’EEP-Espagne, mais aucune Commission de la garantie n’a pu être mise en place ni pendant mon mandat présidentiel (1992-95), ni pendant celui d’Éric Laurent (1995-98), produisant une serratta de fait, qui rappelle celle du Grand Conseil de Venise, et qui n’est pas de bon augure. Des AME italiens ont été nommés, mais on note là aussi l’absence d’une Commission de la garantie.

                L’EOL jouit d’une situation plus favorable : après les nominations initiales, acquises à la fondation en 1992, une Commission est en place, qui permute régulièrement, et accroît tous les ans le nombre des AME de trois unités. Néanmoins, les difficultés de la Section de Cordoba ont conduit cette année le Conseil à remettre à plus tard des dispositions concernant la Section Cordoba.

                Enfin, à la demande insistante du Conseil de l’EBP en avril dernier, j’ai procédé à la nomination des premiers AME brésiliens : il s’agit des cinq membres du premier cartel de la passe, des cinq membres élus par les cinq Sections pour entrer dans les cartels de la passe, plus deux : Celso Renno Lima, AE nommé par un cartel de la passe de l’EEP, et Celio Garcia. Si indiscutable que soit cette liste, composée de collègues qui jouissent évidemment de la confiance clinique des membres de l’EBP, j’aurais souhaité la soumettre au Conseil de l’AMP, puis à l’Assemblée générale de l’EBP. Le Conseil de l’EBP m’en a dissuadé, et cette liste a été lue telle quelle par le Président de l’EBP, Antonio Godino Cabas, à l’Assemblée générale réunie à Salvador de Bahia en avril dernier. Ces titres ne figurent pas encore dans l’Annuaire 1998 de l’AMP, et c’est l’approbation du présent Rapport d’activités qui vaudra pour approbation définitive de cette liste dont la pertinence me paraît fondée aussi objectivement que possible.

                Qu’en est-il de la passe dans les différentes Écoles ? Un Département a été spécialement créé à la suite de l’Assemblée générale de 1996 pour suivre le développement de l’expérience, intitulé “Département Passe”. Il avait reçu de moi la définition suivante :

                “ Observatoire permanent de l’évolution mondiale de l’expérience de la passe ; recueil des informations pertinentes concernant le fonctionnement de la procédure auprès des Secrétariats de la passe appartenant aux différentes Écoles ; rédaction d’un rapport biennal, publié à l’occasion de la tenue de l’Assemblée générale ”. Sa direction avait été confiée à Manuel Kizer, assisté de Joan Salinas-Rosès. Ce dernier m’a confié que le Département n’a jamais fonctionné, et je n’ai pas reçu en effet le rapport prévu.

                J’ajoute que ce n’est pas le seul Département dans ce cas, et qu’il y a lieu de s’interroger sur les raisons de fond qui ont entravé le fonctionnement de ces nouvelles structures, afin de les perfectionner, ou de leur en substituer d’autres. J’y viendrai plus tard.

                En dépit de la carence du Département Passe, on peut néanmoins suivre le développement de l’expérience en lisant les rapports des cartels de la passe. Une confrontation des élaborations et des résultats était prévue pour le Congrès : elle devait occuper une demi-journée, qui a finalement été intégrée à la Grande Conversation.

                À l’ECF, la nouvelle période de six ans a commencé, sans solution de continuité avec la première. Un Secrétariat efficace est en place, composé de quatre membres, et animé par Alexandre Stevens, qui a tiré les leçons des dysfonctionnements du Secrétariat précédent, mis en lumière lors du fameux “Collège de la passe” de l’année 1996-97. On a pu noter une augmentation sensible du nombre des passes. Les membres des cartels se sont employés à rendre compte de leurs décisions dès leur première année de fonctionnement, ce qui n’avait pas toujours été le cas par le passé.

                L’ECFC n’a encore jamais procédé à la nomination d’un AE, mais l’entrée par la passe lui a donné cinq nouveaux membres.

                L’EEP. La deuxième période biennale a commencé à l’EEP-Espagne, sur le modèle de la première, mais les cartels comprennent maintenant les AE de l’EEP, alors que les cartels de la première période avaient été composés d’AE de l’ECF. Tout fonctionne encore sous l’égide du Président, responsable en particulier du choix des passeurs.

                Après le troisième Symposium de l’AMP tenu à Rome le 20 septembre dernier, l’introduction de la passe a été voté par l’ensemble des membres italiens, et la mise en place de la procédure est en cours.

                Pour les demandes de passe issues de l’EEP-Développement, les solutions au cas par cas sont inventées par le Président.

                L’EOL a commencé sa seconde période biennale. Permutation des cartels du Secrétariat, modification de la liste des passeurs, se sont passées en douceur. Ici, ne rien dire est tout dire.

                Quant à l’EBP, l’évolution de la procédure a été étudiée lors de la réunion du Conseil de l’AMP le 26 janvier 1997 à Paris. Après un rappel par Bernardino Horne des conditions qui présidèrent à l’institution d’un cartel compétent pour l’entrée par la passe, le délégué général présenta un plan pour la permutation du cartel unique et la formation de deux cartels ; après discussion et modification, le plan fut entériné par l’ensemble du Conseil, puis par l’Assemblée générale de l’EBP réunie à Sao Paulo en avril ; cinq nouveaux membres furent élus chacun par l’Assemblée générale de chacune des cinq Sections, selon les modalités fixées par le règlement de l’AMP ; la permutation fut effective en juillet 1997. Ayant fait fonction d’extime des deux cartels en avril dernier, j’apporte ici un témoignage personnel de confiance dans leur travail.

                La question est maintenant posée de l’introduction de la passe conclusive, dont Bernardino Horne s’est fait l’inlassable avocat. Je ne mets à cela qu’une condition : le nombre d’AE ou ex-AE. Deux AE est à mon avis un chiffre encore insuffisant pour donner toute sa crédibilité à des cartels ayant compétence pour la passe conclusive.

                L’introduction des extimes dans la procédure a donné lieu à des interprétations hâtives : on a parfois voulu y voir un des missi dominici chargés de faire respecter une “ligne” ; on s’est inquiété des modalités de sélection de ces extimes ; le souhait a été émis par certains, tout particulièrement lors du “Collège de la passe” de l’ECF, d’écarter le délégué général de cette sélection. J’ai apporté un autre point de vue sur cette question lors de la dernière réunion du “Collège de la passe”. Je peux donner ici le contenu de la note que j’ai adressée à ce sujet aux membres du Conseil de l’AMP :

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Note sur la désignation des extimes

à l’intention du Conseil

 

                1 - La pratique des extimes n’a pas deux ans. La période est expérimentale.

                2 - Voyons la situation École par École. La pratique des extimes n’a pas encore été introduite à l’ECF. Elle est toute récente à l’EEP, dont les cartels de la première période étaient composés d’AE de l’ECF. J’ai toujours accepté les propositions d’extimes faites par les cartels et Conseils de l’EOL et de l’EBP, à l’exception de MJ Sauret, évoqué par A. Godino Cabas,  moi-même me rendant trois semaines plus tard à Bahia, où je fis fonction d’extime. Le Conseil de l’ECFC m’ayant demandé de désigner un extime pouvant également assurer un enseignement, je désignai PG Guéguen.

                3 - Doit-on considérer que cette période expérimentale est maintenant terminée ?

                4 - Pour ma part, j’estime impossible de proposer un mécanisme définitif. Il me semble suffisant pour l’instant de continuer de me fier aux propositions des cartels et des Conseils, en tenant pour extimes possibles : 1) les membres et anciens membres des cartels de la passe ; 2) les AE et ex-AE.

                5 - La vraie question est celle de l’introduction de la pratique des extimes à l’ECF. Toute autre considération mise à part, la période actuelle paraît peu propice à cette introduction.

                J’ajoute que je serais très content de sortir de cette période expérimentale. À ma connaissance, les cartels de la passe des quatre Écoles où l’extime a sa place dans la procédure, en ont été satisfaits. Dès que l’ECF aura elle aussi accepté l’extime, conformément à ce qu’annonçait son Conseil il y a quelques années, on pourra en effet essayer de définir un automaton des extimes, en tenant compte du fait qu’un enseignement de séminaire et des conférences sont également attendus de l’extime. Cet automaton sera-t-il aussi satisfaisant que le régime de la tuché actuellement en vigueur ? Je me le demande.

                J’en viens maintenant à des considérations sur la situation différente des Écoles au regard de la garantie.

                Pourquoi une Commission de la garantie est-elle en fonction à l’ECF, à l’ECFC et à l’EOL, tandis qu’il n’y en a pas à l’EEP et à l’EBP ? Pour une raison évidente : c’est qu’il existe dans les trois premières Écoles une véritable communauté de travail analytique, et que ce n’est pas le cas dans les deux autres.

                Je m’explique. J’appelle ici “véritable communauté de travail” une sorte de village analytique dont les habitants se connaissent, s’observent, parfois s’épient, ont constamment des informations diverses sur la pratique des uns et des autres, tout en conservant leur indépendance de jugement : trop de proximité tue cette indépendance. C’est le cas à Paris, et de là dans toute la France, jusqu’en Belgique francophone. C’est le cas à Caracas. C’est le cas à Buenos-Aires. En revanche, l’EBP paye l’extension continentale du pays d’une dispersion géographique de ses membres, ce qui fait qu’il y a cinq petits villages, où l’on se connaît si bien que c’est trop, et sans qu’une communauté unique ait encore pu naître. Mais si l’on considère que l’EBP n’a que trois ans, on peut se dire que cette communauté est à venir.

                Il n’en va pas ainsi de l’EEP. En effet, la constitution d’une communauté analytique commune à l’Espagne et à l’Italie est hors de question. On doit bien plutôt espérer que se constitue une telle communauté en Italie, et c’est la raison qui justifie que l’on pousse les feux vers l’École italienne.

                Le vrai problème est celui de l’EEP-Espagne. Alors que l’École Européenne existe depuis bientôt huit ans, on ne voit pas poindre une communauté analytique espagnole unifiée. Les raisons sont diverses, je ne souhaite pas m’appesantir là-dessus. Il s’agit de reconnaître l’impasse, de ne pas la laisser se prolonger, voire d’y trouver “le ressort de la solution”.

                J’ai déjà indiqué ces derniers jours où elle se trouve selon moi : à Barcelone, oui, il existe une communauté analytique vivante, intégrée et solidaire, où les sensibilités n’ont pas cristallisé en tendances. La meilleure preuve en est qu’il serait possible, dès demain, d’installer une Commission de la garantie de l’EEP-Espagne.

                Réélu délégué général, j’entamerai les démarches nécessaires : à la création d’une École du Champ freudien de Barcelone, qui, dans un second temps, pourrait s’ouvrir à des adhésions venues de l’extérieur de Barcelone. On peut imaginer un troisième temps où l’École deviendrait “École du Champ freudien, sede Barcelona”. Quant à l’EEP-Espagne, elle serait par ailleurs maintenue, ainsi que l’EEP-Développement.

                L’Assemblée générale de l’EEP, qui se réunit prochainement, aura de quoi faire à discuter les conséquences pour l’École de la politique que je me propose de mener.

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III

 

                Il se peut que j’aie fatigué votre attention avec ce panorama où chaque élément se multiplie cinq fois, puisque chaque question doit être considérée en cinq Écoles distinctes, sous cinq perspectives différentes, ou même six, car Espagne et Italie sont à part l’une de l’autre.

                Sachez que je vous épargne les détails du travail de la Commission Liaison, celle dont la mission est de veiller au suivi des accords passés entre l’Association et différents groupes de collègues à travers le monde, en particulier dans les pays suivants : Australie, Bolivie, Chili, Cuba, Guatemala, Mexique. Je n’ai pas de mal à vous épargner ces détails, étant donné que je n’ai ni reçu ni demandé de rapports de cette Commission. Je ne cherche pas à tout voir et tout savoir, il me suffit de faire confiance à l’initiative des collègues impliqués.

                De même, je n’ai pas été informé du travail et des résultats des Départements AMP mis en place en 1996. Il y avait cinq Départements, et il était prévu que chacun prépare un rapport destiné à être publié avant la présente Assemblée générale. Aucun ne l’a fait. Seul Juan-Carlos Indart dans une lettre au Conseil, a donné une description significative de la mise en sommeil des “cartels euro-américains”.

                On peut noter en revanche que les trois Comités, dont les missions étaient plus techniques, et tournées vers l’intérieur de l’Association, ont fonctionné de façon satisfaisante : le Comité Internet, le Comité Annuaire, le Comité Trésorerie.

                Nous devons au Comité Annuaire (Ricardo Seldes, Alejandro Daumas, Silvia Geller, Silvia Tendlarz, avec Miquel Bassols à Barcelone) la publication du second annuaire de l’Association. C’est un tour de force. Nous devons au Comité Trésorerie (Colette Soler, Michèle Daubresse, Carole Dewambrechies-La Sagna, Sandra Grostein, Estela Paskvan, Ricardo Seldes) le recouvrement ponctuel des cotisations à travers le monde. Enfin, le Comité Internet (Miquel Bassols, Marcela Antelo, Jorge Bekerman, Bernard Cremniter, Fabien Grasser, Roberto Ileyassoff, François Morel, Leonardo Rodriguez, Gustavo Zapata) est l’instance de référence de notre développement électronique.

                La différence entre l’évanouissement des Départements et le travail des Comités, demande une réflexion qui aille plus loin qu’à stigmatiser l’incurie de collègues responsables :ceux-ci attendaient peut-être du délégué général des instructions alors que celui-ci attendait d’eux des initiatives. En fait, me semble-t-il, on touche ici du doigt qu’il est difficile de faire vivre un ensemble international déjà aussi vaste que le nôtre. Il y faut une passion particulière, de l’imagination, de l’ambition.

                Dans cet ordre d’idées, je saluerai spécialement l’initiative de Yasmine Grasser, à laquelle nous devons le Journal des exceptions. Elle vint me voir il y a un mois avec ce projet sous le bras, conçu dit-elle, dans une “fièvre” partagée par le Groupe franco-algérien et l’ACF-Méditerranée-Alpes-Provence, puis par le Cercle de Tel-Aviv et l’ACF-Belgique, et enfin par le London Circle et l’ACF-VLB. L’idée est d’eux, le financement aussi, je n’ai eu qu’à dire oui. C’est là tout mon mérite : dire oui, faire confiance. Il est vrai que le responsable, spontanément, aime plutôt à dire non et à se méfier. Il faut un autre style à qui est responsable dans l’AMP.

                Une autre initiative a marqué l’École de l’Orientation lacanienne, et il serait bien qu’elle fasse des émules dans d’autres Écoles et leurs Sections. C’est l’idée d’une Red asistencial, que vinrent me proposer il y a deux ans, à la fin du Congrès de Buenos-Aires, Adéla Fryd, Vera Gorali, Silvia Lopez et Daniel Silitti. Il s’agissait de faire pièce au puissant Centro Racker de l’APA, qui s’offre depuis des années à traiter des patients dont les moyens financiers sont limités. Largement étudié, élaboré et réélaboré, ce projet fut soumis au Conseil de l’EOL, qui chargea Samuel Basz et Juan-Carlos Indart d’être rapporteurs du projet. L’adoption récente de la Red asistencial ouvre la voie à une expérience inédite pour nous, dont l’AMP et ses Écoles sauront faire leur profit.

                Chers collègues, on ne trouve dans l’AMP que ce qu’on y apporte. Loin d’accaparer le pouvoir, le délégué général attend les initiatives, il les accueille, il les oriente, il se veut un “ facilitator ” au milieu des inerties, des timidités et des réticences qui sinon viendraient à bout des bonnes volontés, des meilleures volontés.

                À défaut d’initiatives, les dispositifs organisationnels les mieux pensés ne servent de rien, on l’a vu depuis deux ans avec les Départements.

                Il est vrai qu’il a manqué à l’Association une publication comme avait été La Dépêche pour les membres des Conseils, puis Temps logique pour l’ensemble des membres. M’étant fatigué de les éditer, j’avais proposé à Ricardo Seldes, Secrétaire de l’Association, de prendre le relais, ce qui ne fut pas fait. Il est vrai que les Conseils, les Directoires et les diverses Commissions des Écoles ont souvent le souci de tâches plus urgentes que celle d’informer exactement les délégués de l’AMP. La situation actuelle, par les difficultés mêmes qu’elle propose, est paradoxalement favorable : on perçoit mieux maintenant la valeur de l’AMP, on sait mieux que l’AMP ne va pas de soi, et qu’il faut la vouloir, la vouloir tous les jours, incessamment, avec insistance, à contre-courant.

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IV

 

                L’AMP a d’abord été un Witz ; elle est ensuite devenue un texte, une articulation signifiante, une association sur le papier ; la controverse actuelle l’aide à devenir une réalité vivante, une présence palpitante, une Chose autour de quoi gravitent amour et haine, une Cause libidinalement chargée. De ce fait, on aperçoit mieux quelle est la pente naturelle de la formation sociale qu’elle constitue. Cette pente la conduit droit au Multiple.

                C’est l’effet en quelque sorte mécanique des relations de proximité. On est plus proche des collègues de son quartier, de sa ville, de sa région, de son pays, qu’on ne l’est des collègues d’autres pays, d’autres langues, d’autres continents. C’est ce qui explique l’échec des Cartels euro-américains, l’échec des Départements, la difficulté des publications internationales. C’est ce qui rend compte de l’émergence et de la persistance d’opinions locales distinctes, qu’on a vu se former, s’affirmer et s’allier à Madrid, à Toulouse, à Medellin, pour prendre quelques exemples que l’actualité récente a mis en valeur. On voit ici se conjuguer la tradition historique de ces villes avec un “retour du Multiple” qui est le contre-effet de “l’aspiration à l’unité” dont le Champ freudien est issu.

                En effet, depuis la “Convocatoria” de Caracas en 1980, un Éros unitaire n’a pas cessé de porter et d’étendre le Champ freudien. Une cinquantaine de groupes à travers le monde ont été captés, entraînés, dans un mouvement vers le Un, paraissant irrépressible, inarrêtable. Du creuset du Champ freudien sont sorties les Écoles, et l’AMP leur a donné le plus-un où est venue culminer l’aspiration unitaire que je disais.

                Il était fatal que le triomphe de l’unité appelle un retour du Multiple sous une forme renouvelée, au sein de ce que Hegel appelle “l’élément supérieur victorieux”. C’est au-delà de l’anecdote, la clef du moment que nous vivons.

                Le texte intitulé “Projet de résolution pour l’AG de Barcelone” a donné récemment à ce “retour du Multiple” une formulation explicite frappée au coin de la naïveté. Les réactions que ce projet a aussitôt suscitées de la part des Conseils des cinq Écoles, et aussi du Conseil de l’AMP, ont témoigné en sens contraire que l’aspiration unitaire garde parmi nous toute sa force, et c’est à celle-ci qu’il s’agit de trouver maintenant un débouché d’ordre supérieur.

                Suspendons toute polémique pour essayer de comprendre, c’est-à-dire pour articuler la logique dont ici nous sommes serfs.

                Il suffit de tourner nos regards vers le modèle associatif que nous présente l’IPA pour saisir ce dont il s’agit.

                L’IPA n’est pas fortement centralisée au sens où l’entend le “Projet de résolution”, tout au contraire : elle est parfaitement décentralisée. Elle a d’emblée rencontré le Multiple. Pensez à l’opposition du groupe de Vienne, composé des plus proches élèves de Freud, et du groupe de Berlin autour d’Abraham, puis de leur opposition à tous les deux au groupe du Burgholzi autour de Bleuler et Jung, enfin à la crise de 1910 quand Freud décida de confier la présidence de l’IPA au Suisse “goy”. Lorsque Ernest Jones se rend en Europe centrale pendant l’entre-deux-guerres, il vient en terre étrangère apporter les conceptions propres au groupe anglais sur le surmoi, sur la sexualité féminine, élaborées sous l’influence de Melanie Klein. Pour avoir dû renoncer à l’expulsion de la “tripière géniale”, dont l’influence s’était étendue en Amérique latine, l’IPA se condamna à ne plus promouvoir d’orientation commune.

                Aujourd’hui, notre sœur aînée démontre tous les jours une admirable flexibilité, n’hésitant pas à multiplier les Sociétés affiliées dans une même ville pour garder tout son monde. C’est ainsi que vient de naître à Buenos-Aires une troisième Société, fondée par une douzaine de didacticiens dissidents : la procédure de reconnaissance entreprise sous la présidence de mon ami Horacio se continue sous celle d’Otto Kernberg, qui, sur ce point tout au moins, a poursuivi la politique de son prédécesseur, alors qu’il en prend volontiers le contre-pied dans d’autres domaines, s’agissant en particulier des contacts avec l’AMP, ses membres, et spécialement son délégué général, qui eut le tort de se faire apprécier l’an passé dans la grande salle du Palau.

                C’est ainsi qu’un de ses membres éminents a pu qualifier l’IPA de “club”, et on ne quitte pas un club, on y appartient tranquillement, sans passion, sans même plus y penser. Un autre de ses membres a décrit l’IPA comme “une grande organisation molle”, et cette mollesse n’est pas loin de l’enchanter. Personne ici ne songerait à évoquer une “tyrannie”. C’est le style anglais qui prédomine, libéral, désabusé, considérant avec commisération les folies des latins, papistes et lacaniens.

                Ce n’est pas dire que ce Multiple n’ait pas son Un. Non, il est le Multiple de cet Un. Mais cet Un s’exprime tout entier dans le Standard.

                Le Standard est le ciment unitaire de l’IPA : régulation quantitative de la pratique, cursus homologué de la formation, superposition du gradus et de la hiérarchie. Sans le Standard, l’IPA n’est plus rien qu’un conglomérat de Sociétés qui s’ignorent, ne se comprennent pas, ou se chamaillent. Or, ce Standard, qui est son trait unaire, sa raison d’être, son pivot, est aussi sa croix et son cilice. On n’aime plus le Standard à l’IPA, on le pratique comme un rite, un sacrement. Il n’y a plus de transfert au Standard, et les voix les plus écoutées s’autorisent maintenant à le tourner en dérision. Le Multiple suscite aussi bien les critiques les plus acerbes, comme on l’a vu dans l’amusante satire de l’actuel Président sur les “Trente manières de décourager le candidat d’être créatif”. Bref, le Un comme le Multiple style IPA sont en haillons, et nous pourrons suivre, dans les premières années du nouveau siècle, les efforts de nos collègues pour s’extraire de cette tunique de Nessus qu’ils ont eux-mêmes placée sur leurs épaules.

                L’Un et le Multiple s’articulent tout autrement dans le Champ freudien.

                Le Un s’exprime chez nous dans ce que nous appelons, sans l’avoir conceptualisé, l’orientation. L’orientation, et non le Standard. Et le Multiple ? À la différence de l’IPA, il n’est pas chez nous séparé du Un, et jouant sa partie tout seul. Cela n’est pas encore compris dans l’AMP, et je commence seulement depuis dimanche dernier d’en apercevoir l’origine et la logique.

                Pour en cerner l’essentiel, pour saisir pourquoi nous avons été amenés à la notion et à la pratique de l’orientation, pour en donner une définition appropriée, il convient de revenir à l’origine de notre mouvement, c’est-à-dire au geste inaugural de Jacques Lacan.

                Lorsque l’on parle de “retour à Freud”, on n’a encore rien dit : ce fut un slogan, un signifiant-maître, à quoi le sens ne vient que du signifiant de contexte à quoi il s’articule. Le “retour à Freud” faisait parade d’une signification régressive, conservatrice, orthodoxe, qui n’était que de façade, afin de protéger l’avancée novatrice de Lacan de l’accusation de déviation, mortelle dans un champ où la référence au fondateur constitue un shibolet obligé, comme on s’incline sans y penser devant les dieux-lares de la maison. En fait, il s’agissait de tout autre chose : Lacan est revenu à Freud comme à la langue commune de la psychanalyse, au moment même où il devenait patent, au début des années 50, que l’évolution, le succès, la croissance proprement vertigineuse de la petite communauté initiale des mercredis viennois, l’avait fait éclater en un nombre impressionnant de chapelles ayant chacune son dieu, ses saints patrons, et son langage. Bref, le signifiant du “retour à Freud” prend son sens du signifiant “Babel”, dont Lacan désignait l’état de la communication dans le mouvement psychanalytique.

                “Babel” veut dire : qu’il y eut une entreprise commune, issue de Freud ; qu’une malédiction — la malédiction du Multiple, la malédiction localiste, enracine dans ce que j’appelais tout à l’heure les relations de proximité — fit que l’on cessa bientôt de se comprendre, et que l’on resta ensemble à parler chacun son jargon. “Retour à Freud” veut dire : ré-élaboration à partir de Freud d’une langue commune dans la psychanalyse, invention dans la psychanalyse d’une nouvelle “langue des calculs”, capable de rétablir entre les psychanalystes la Conversation rendue impossible par la multiplication des langues spéciales.

                Depuis toujours, depuis l’origine, l’orientation lacanienne, c’est l’anti-Babel, c’est la possibilité de la communication des psychanalystes entre eux, et avec le public,  avec “la sphère publique”, c’est la poursuite de la grande Conversation analytique, une Conversation qui ne soit pas trop indigne de celle des mathématiciens ou même des philosophes.

                L’orientation lacanienne est logicienne. C’est l’orientation vers le mathème, comme principe et support de la Conversation. Sans doute de 2 plus 2 font 4 peut-on débattre, comme on a pu suspendre l’axiome des parallèles. Pour aller au plus simple, la réunion et l’intersection sont des variations sur l’addition qui font apparaître celle-ci comme un cas particulier, très particulier, au sein d’une combinatoire plus vaste. Mais de 2 et 2 font 4 on ne débat pas comme on débat des couleurs quand on est aveugle. Le mathème est l’imprononçable langue commune du sourd et de l’aveugle, et c’est la voie royale de “la raison depuis Freud”.

                S’il y a orientation lacanienne, c’est qu’il n’y a aucun dogme lacanien, pas même “l’inconscient structuré comme un langage”, aucune thèse ne varietus qui donnerait lieu à abécédaire, bréviaire, compendium, dogmatique. Il y a seulement une Conversation continuée avec les textes fondateurs de l’événement Freud, un Midrach perpétuel qui confronte incessamment l’expérience à la trame signifiante qui la structure.

                L’orientation lacanienne n’est pas, comme on l’entend parfois, une orientation qui voudrait être unique, totalisante, totalitaire, rebutant ou expulsant des orientations déviantes. Bien au contraire, elle nomme la seule langue commune existant en psychanalyse, la seule Conversation où s’éprouvent les élaborations, où elles entrent en compétition. C’est le concours des prétendants, c’est la dialectique universelle des prétentions, c’est le choc, le carnaval, la foire d’empoigne des signifiants et des significations, dans cette atmosphère de “cour des miracles” qui est depuis toujours celle des lieux où se forge le nouveau — dans le combat, le fracas, la tempête, le typhon.

                La Conversation psychanalytique a commencé avec Freud. Elle s’est poursuivie avec Lacan, et nous l’avons continuée à notre tour avec le Champ freudien. Nous avons commencé en 1980 de parler ensemble, et depuis lors nous continuons, sans nous lasser, dans une interlocution heurtée, parfois chaotique, parfois stagnante, parfois animée. Ce faisant, nous prenons la suite de la Grande Conversation freudienne, nous nous inscrivons dans l’anti-Babel de Lacan.

                Depuis 1980 aussi bien, il y a ceux qui abandonnent la Conversation pour s’en aller réchauffer leurs petites gamelles sur leurs petits réchauds, qui s’en vont se tenir chaud en se pelotonnant dans leurs petits cénacles, et disent : “ Nous sommes les purs ”. Rien n’advient de cette pureté prétendue, que des groupuscules où le transfert positif met les leaders à l’abri du bruit et de la fureur de notre Grande Conversation.

                Je le dis : on ne se soustrait à la Grande Conversation qu’est le Champ freudien et son orientation lacanienne, que par couardise, lâcheté morale, dépression. On sort pour élever en serre chaude la fleur fragile de son exception, et pour continuer de rêver — rêver son bonsaï en baobab.

                La Grande Conversation n’en continue pas moins. Elle ne chasse personne, elle exige seulement que l’on continue de converser. Elle accueille goulûment le Multiple, elle s’en nourrit, elle ne le trouve même jamais assez divers à son goût, elle broie les idées mal cuites, elle aguerrit, elle aiguise, dans son gai tumulte elle forme l’analyste à la mission qui revient à l’analyse en ce monde et en ce temps. La Conversation se moque des relations de proximité, elle rend proche le lointain, lointain le proche, son espace est topologique. Dans l’espace commun, qui est métrique, elle raccourcit incessamment les distances : rencontres internationales, librairies à tout va, fax, courrier électronique, elle met les dernières techniques au service d’une Conversation qui est multiple par cela même qu’elle est une. Et l’on ne fuit le Un stressant de ce marché universel, bruissant et sale, que pour s’enfermer dans le Un toujours médiocre du groupuscule, voire dans l’Unique et sa propriété, dont Marx fit la satire la plus gaie dans sa Sainte Famille, trop peu lue.

                C’est le Champ freudien que je décris ici. À un moment où à un autre, un tel se retire du jeu. Il m’appelle tyran. Mais c’est qu’il reste sans voix devant Éric Laurent — mais c’est qu’il se fatigue de ce rythme d’enfer, de l’urgence toujours pressante de s’expliquer, de donner ses raisons et de révéler ses sources, de n’être jamais cru sur parole. Y a-t-il trop de “magister dixit” ? Au contraire, la Grande Conversation n’en supporte aucun, les questionne tous.  Ce sont les impétrants au “magister dixit” qui se retranchent dans leurs forteresses ou dans leurs thébaïdes, dans leurs Universités ou dans leurs jardins d’hiver, pour cultiver leur pauvre quant-à-soi, dialoguer avec leurs admirateurs, et jouir de leur “idiotie”.

                Qui sort de la Grande Conversation ? Il y a quelques grands types.

                Il y a la sortie de Thersite, qui s’en va maudissant le monde et ses turpitudes, ravalant tout lien des parlêtres à la soumission servile et à l’oppression arrogante. C’est l’unique rêvant d’une société de semblables, et on le voit déjà se perdre dans son labyrinthe de miroirs où il restera seul avec ses images.

                Il y a la sortie de Trissotin, qui se promet d’éblouir l’univers de ses productions, polygraphe bientôt amer d’être si peu lu et si peu admiré.

                Il y a la sortie par l’Université, où l’analyste trouve refuge quand il en vient à haïr le transfert, l’injustice du transfert, à vomir l’imposture du savoir supposé, et le voilà petit roi de sa chaire, dans un monde de pairs, d’egos enfin égaux dans la même vanité, dictateur du tampon, rêvant d’autoriser l’analyste. Mais ce n’est rien qu’un parasite et un voleur, pompant sans relâche le savoir élaboré dans le champ même de ce transfert qu’il exècre.

                Il y a la sortie du didacticien offensé que ses mérites pâlissent, que ses esbroufes soient découvertes, que ses mines ne séduisent plus, que son savoir ne lui soit plus supposé, et qui s’en va avec sa cohorte panser ses plaies au désert, où il élèvera bientôt un temple à la pureté du non-être, monument de sa dépression, ayant fini de dénouer les charmes pour contempler ce qu’il croit être la mort, et qui n’est que la nuit du non-concept.

                  Non, je ne pousserai jamais personne hors de la Grande Conversation. Mais il y a un prix à payer pour en être, et c’est précisément d’en être, c’est-à-dire de participer à la Conversation, de ne pas s’en retrancher par l’insulte ou par le chi-chi, de caracoler loyalement, vaillamment, au tournoi des signifiants.

                Voilà comme je peins ce 23 juillet ce qu’est l’orientation lacanienne. Elle s’appelle “lacanienne” parce que Jacques Lacan fut le premier à débattre avec Freud, et qu’il nous laissa la seule langue commune qui existe en psychanalyse. Rien d’autre n’explique l’extension croissante de notre Conversation, au point qu’accomplir effectivement sa mondialisation est désormais à notre portée.

                Nous formons déjà la communauté analytique vivante et intégrée la plus nombreuse et la plus active du globe — car l’IPA est toujours davantage une Babel que seul fait encore tenir ensemble le concept impropre du contre-transfert, et un Leviathan épuisé qui se nourrit des miettes dérobées à la table de Lacan, des épis tombés de sa gerbe, qui “n’était pas avare, ni haineuse”.

                Nous saurons entraîner dans notre Grande Conversation nos collègues de l’IPA enfermés dans des localismes de misère. Le livre[1] co-édité par une Section de l’EOL et une Société affiliée à l’IPA, est-il l’hirondelle qui annonce le printemps ? La colombe de Noé au rameau d’olivier ? Pour que des collègues de l’IPA bravent ainsi l’interdit explicite qui vient d’être formulé par le président en exercice de l’IPA, proscrivant, je cite la dernière Newsletter, tout contact avec des personnes physiques ou morales ne prônant pas le respect de nos Standards, quel doit être l’attrait de notre Grande Conversation ! C’est le vin de la dive bouteille qui coule chez nous à flot, dont ils veulent avoir leur part. N’en soyons pas avares.

                “ Evohé ! ” C’est ici les enfants de Dyonisos, qu’on le sache.

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V

 

                Cinquième partie, celle qui n’est pas tout à fait écrite.

                Chers collègues, e finita la commedia. El espectaculo ha terminato. Le rideau est tombé.

                L’instant de voir a fulguré. Le temps pour comprendre s’est déroulé. Le moment de conclure a eu lieu : c’était hier. Aujourd’hui, nous prenons acte.

                Une différenciation interne s’est produite dans l’Association Mondiale de Psychanalyse. Un certain nombre d’entre vous, une majorité je le crois, continue de me faire confiance pour, durant les deux prochaines années, animer, dire oui aux initiatives, poursuivre le même travail dans le même mouvement. Un certain nombre d’entre vous, présents dans cette salle, me refusent désormais leur confiance pour faire ce travail et voteront non, ou ne voteront pas.

                Je remercie ceux qui me renouvelleront leur confiance. Et je dis avec simplicité que je crois la mériter.

                Je m’incline avec respect devant ceux qui refuseront de me suivre. Ils me permettent d’éprouver douloureusement les limites de mon action.

                Pourrons-nous cohabiter dans la même maison ? Certainement. Mais combien de temps ?

                Oui, certainement nous pourrons cohabiter, mais cela suppose que soit respecté le un par un, le uno por uno, qui est le principe par où l’institution coïncide avec la pratique. La pratique analytique est une pratique du un par un, l’institution analytique est une institution à laquelle on appartient et dans laquelle on agit au un par un.

                L’existence d’une minorité organisée, dont on a vu s’esquisser la constitution au cours de ces jours mêmes à Barcelone, serait, pour le dire avec euphémisme, peu compatible avec les finalités de l’Association. L’existence d’une minorité organisée, même si elle est en même temps désorganisée, même si elle est en même temps profondément inconsistante, l’existence d’une minorité organisée, tenant ses réunions à part, ayant ses dirigeants, serait peu compatible avec les finalités de l’Association Mondiale.

                Et donc, mieux vaudrait pour cette minorité, si elle existe, de se donner ses propres institutions, de les gérer de façon exemplaire, et de venir du dehors établir avec l’Association Mondiale de Psychanalyse des relations de bon voisinage.

                Je voudrais m’adresser aux autres, à ceux qui me feront confiance.

                Il y a pour moi un sentiment de perte. La perte est quelque chose dont nous connaissons la fonction.

                Il s’y ajoute pour moi un sentiment d’échec. Ceux d’entre vous qui lisent l’espagnol pourront consulter le numéro spécial de Cursor qu’on m’a donné hier, et qui reproduit mes propos du 14 juillet dernier à Barcelone. J’avais déjà là un sentiment d’échec, que j’ai plus encore après la journée d’hier. Le 14 juillet, j’en étais encore à questionner les collèges de la Section de Catalogne : “ Puis-je valablement me présenter comme délégué général avec un programme de réconciliation générale ? ” On m’a dit qu’il serait très difficile d’oublier ce qui s’était dit. J’ai répondu : “ Écoutez, moi, je peux oublier tout ce qui s’est dit jusqu’à la minute présente, jusqu’à 23h 15 ”. Et d’ailleurs, j’ai oublié. Je n’ai fait état que d’un seul de ces textes, celui qui me compare au roi du Maroc. Mais pour le reste, je n’ai gardé aucun des textes.

                Poursuivant la discussion, je n’ai pas du tout demandé le retrait du projet de résolution. J’ai dit qu’à mon avis, étant donné que ce projet de résolution avait été rejeté immédiatement par les Conseils des trois Écoles et les présidents des deux autres, et que personne n’en défendait vraiment les thèses, le plus sage aurait été de le retirer. Cela aurait paru un geste de bonne volonté. Mais cette ouverture n’a pas été accueillie. Je n’en fais le reproche à personne.

                Il faut sans doute admettre qu’en effet les conditions qui ont été posées dans des Écoles sont entrées en contradiction avec des désirs très profonds chez des collègues. Nos collègues de Toulouse ont finalement unifié contre eux l’ensemble du Conseil de leur École. Il n’y avait apparemment aucune médiation possible.

                J’ai donc un sentiment d’échec. Mais aussi, il faut savoir reconnaître ses limites : on ne peut unifier tout le monde, on ne peut faire entrer tout le monde dans la Grande Conversation, il y a depuis toujours des collègues qui sortent de la Grande Conversation pour une raison ou pour une autre. Bon, c’est comme ça.

                Cela étant, la situation est excellente. Je l’ai dit au début de mon rapport : tous les organismes que nous avons mis en place, à part les Départements de l’AMP, fonctionnent, et entrent actuellement dans un fonctionnement à plein régime. Et puisque cela vaut pour le Brésil comme pour la France et pour l’Italie, etc, c’est donc que nous avons résolu des problèmes qui paraissaient encore insolubles il y a peu.

                Et donc nous allons pouvoir sortir du pré carré des latins. Tous ceux qui sont ici, à quelques très rares exceptions près, viennent des pays latins. Enfin, je m’excuse auprès de toutes les nationalités et particularismes, nous vivons dans des pays latins. Et il s’agit maintenant de rendre effective la reconquête du champ freudien ailleurs, et spécialement dans les pays de langue anglaise.

                Donc, au cours des prochaines années, objectif : les pays de langue anglaise. Objectif : le Royaume Uni. Objectif : New York. Objectif : la Californie. Objectif : y réaffirmer la présence du Champ freudien. J’ai essayé il y a dix ans, il n’y avait pas encore l’AMP, je pense que l’AMP peut faire une différence.

                Deuxièmement, ce que j’appelais hier soir l’Aufhebung de l’unité. Notre unité a été mise en cause, c’est un fait. Donc, la réaffirmer. Et cela s’est fait tout seul. J’ai dit à Rio, une fois, le mot “ École Une ”. Ricardo Seldes l’a aussitôt transmis à Buenos-Aires, comme : “ Jacques-Alain parle d’École Une ”, et il m’est revenu : “ C’est formidable ! Et qu’est-ce que c’est, etc. ” Donc, ma propre parole m’a mis en quelque sorte au pied du mur. Je répondrai gentiment : je ne sais pas ce que c’est, l’École Une, nous allons converser pour le savoir.

                L’École Une veut dire certainement : nous voulons être plus proches les uns des autres. Comme l’a d’ailleurs signalé Guy Briole dans un exposé qu’il a fait à la réunion de tous les Conseils : “ Dans l’AMP, nous sommes membres de la même association, mais à travers les Conseils des Écoles ”. On peut imaginer en effet que de l’École Une on pourrait être membre directement, sans passer par les Conseils des Écoles. Peut-être cela donnerait-il à notre regroupement une cohérence plus grande. Avec comme objectif de devenir à l’échelle du monde une communauté vivante intégrée. C’est difficile, c’est coûteux, il faut des traductions simultanées, il faudra peut-être se réunir tous les ans et non pas tous les deux ans. Mais ce serait le pas en avant vers la création d’une communauté intégrée, qui est tout de même beaucoup plus facile maintenant, alors que la technique nous apporte continuellement des ordinateurs de plus en plus capables, des avions de plus en plus rapides. Bon, Internet a brusqué un certain nombre. Mais cela peut être la meilleure des choses. C’est comme la langue d’Esope, la meilleure et la pire des choses. Grâce au fax, on a pu faire l’École Européenne, grâce à Internet on pourra passer de l’AMP à l’École Une, véritable communauté psychanalytique intégrée.

                C’est un développement exactement contraire à celui de l’IPA. Mais l’IPA, il faut y penser, est née avant la Première Guerre Mondiale, elle est encore toute marquée par le XIXe siècle. Nous avons sur elle les avantages d’une vivacité extraordinaire. D’ailleurs, il suffit de paraître dans un Congrès de l’IPA ou dans une société de l’IPA, et il faut voir comme on est bien reçu ! Nous sommes beaucoup mieux reçus par eux que nous nous ne serions à les recevoir. C’est une donnée. Nous sommes les riches, nous, par rapport à nos collègues de l’IPA. Sachons donner à nos pauvres [rires].

                Donc, au cours des deux prochaines années, je propose qu’on débatte, qu’on discute, qu’on poursuive la Conversation sur l’École Une. Cela demandera peut-être de créer un organe spécial pour en débattre. Peut-être faudra-t-il faire des réunions dans chaque pays, dans chaque Section, pour en parler.

                Il faudra également sans doute repenser l’Institut du Champ freudien pour tenir compte d’un certain nombre de remarques qui ont été faites, et aussi pour réaliser l’Aufhebung de notre enseignement au moment où nous assistons, je crois, à un retour de l’énonciation universitaire, du gommage universitaire de l’énonciation.

                Bref, l’échec relatif que je signalais ne m’empêche pas d’avoir entière confiance dans la vitalité des membres de l’Association Mondiale de Psychanalyse. Merci. [Très, très longs applaudissements]


 [1] - Discussion d’un cas clinique à l’Association Psychanalytique de Cordoba.

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 3Ledébat

            Après la lecture du rapport du délégué général, Bernardino Horne reprend la parole pour remercier celui-ci. Il précise qu’Oscar Sawicke, membre du Conseil de l’AMP, sera le secrétaire de cette Assemblée, et que lui-même en assurera la présidence, ainsi que le Conseil de l’AMP en a décidé lors de l’élaboration de l’ordre du jour. Il déclare ouverts les débats.

            Il inscrit sur une première liste les collègues qui souhaitent  intervenir : Luis Erneta (Buenos Aires), Carlo Viganò (Milan), Esthela Solano-Suarez (Paris), Guy Briole (Paris), Jorge Forbes (Sao Paulo), Manuel Kizer (Caracas), Yasmine Grasser (Paris), Enric Berenguer (Barcelone). Il donne la parole à Luis Erneta.

 

            Luis Erneta -  Il y a quelques années, Michel Silvestre répondait à la question qui lui avait été posée sur la différence entre les argentins et les français, que les argentins se distinguent de n’avoir pas eu de XVIIIe siècle, ils ne sont pas cartésiens. Cela me semblait de l’humour, c’était son style. Cela ne nous empêche pas cependant d’avoir deux ou trois idées claires. Je n’aime pas faire des sentiments le guide de mon agir. Je dois reconnaître qu’à la suite d’un effort de réflexion à la fin de l’après-midi d’hier, j’ai pu extraire deux ou trois idées claires de la nébuleuse et du pathos de ma pensée.

Il ne s’agit pas de maximes mais de “ minimas ” préliminaires à un traitement possible de la jouissance et de la décision : 1) je n’appartiens pas à l’ensemble de ceux qui croient être dans le meilleur des mondes possibles, ce serait admettre un état stupide de béatitude. Comme le symptôme, j’essaie de faire de mon mieux, dans un monde possible 2) si l’AMP est orientée selon la politique du Witz, je confesse que pendant ces jours-ci, par moment, je ne comprenais pas ce Witz-là. Je me suis dis que sûrement  je ne devais pas appartenir à la même paroisse. Ce qui m’était familier pendant 18 ans, dans le Champ freudien, devenait pour moi étranger, en quelque sorte “ unheimlich ” mais sans aucune connotation pathétique 3) heureusement,  la séance plénière avec les AE m’a rendu la sensation d’être chez moi.  Je conçois que le fait que  six témoignages étaient  en espagnol peut avoir aidé à cela. 4) dans la Lettre mensuelle de juillet 90 au moment de la crise de la passe à l’ECF, Eric Laurent rappelait qu’à la différence des trois prisonniers du sophisme, les psychanalystes ne sont pas des prisonniers du discours, mais bien plutôt des dupes,  des dupes du discours analytique  5) j’ai pu parvenir  à ma décision : je connais la couleur de mon disque, je vais me précipiter avec d’autres pour sortir de cette impasse, je vais agir selon la position du Conseil de l’Ecole auquel j’appartiens, qui est de soutenir l’action du Délégué général. J’ai confiance dans cette direction parce que je n’y joue là aucun espoir.

 

            Carlo Vigano  - Hier, j’aurais aimé intervenir pour développer la position de Gennie Lemoine sur  le style comme seule garantie du désir, quand celui-ci est articulé au-delà de la loi. Le style tel que Lacan le définit, c’est l’homme à qui l’on s’adresse. Aujourd’hui la citation de Prévert que Jacques-Alain Miller a mise en exergue de son rapport, m’est utile pour appliquer cette idée à la procédure du vote. La logique du vote d’aujourd’hui est de dire oui à Jacques-Alain Miller, tel qu’il est. Voter non ne le fera pas advenir tel qu’il n’est pas. Jacques-Alain Miller, ainsi qu’il a pu le dire est “ faite comme ça ” et c’est grâce à son travail qu’aujourd’hui le vote se situe dans la dialectique du vel plutôt que dans celle du black-out.

 

           Guy Briole - Je vais m’adresser à Jacques-Alain Miller, d’abord au titre de président du Conseil de l’Ecole de la Cause freudienne, et ensuite à titre personnel.

            Ce Conseil, que, deux de ses membres, Marie-Jean Sauret et Pierre Bruno, le directeur de l’Ecole, Colette Soler, et quelques autres dans leur sillage, tentent de disqualifier, notamment en indiquant qu’il serait passé de la psychanalyse à l’éducatif normatif, ce Conseil, je voudrais vous en dire la composition. Il est composé de Jo Attié, Jacques Borie, Marie-Hélène Brousse, Yasmine Grasser, Jean-Pierre Klotz, Augustin Ménard, Dominique Miller, Jean-Robert Rabanel Alexandre Stevens, Esthela Solano, Pierre Stréliski, Guy Trobas, et moi-même.

            Ce Conseil tient à vous redire et à réaffirmer ce qu’il avait écrit dans sa lettre du 7 juillet. Notamment il tient à redire que l’AMP n’a jamais gouverné les Ecoles. Tout à l’opposé l’AMP est ce qui a fait le nouage entre les cinq Ecoles et leur a permis de se développer au-delà de l’entre-soi. Et cette dynamique-là c’est vous qui l’avez impulsée.

            Un autre point important que le Conseil tient à dire et à faire savoir à l’ensemble de la communauté de l’AMP, et qui est plus particulier à l’Ecole de la Cause freudienne, est le suivant : l’Ecole de la Cause freudienne a été très longue à se faire à cette idée nouvelle d’AMP. Elle était en retard sur vous-même. Ce qui était nouveau à l’Ecole de la Cause freudienne, c’était d’être considérée comme les autres Ecoles, de devoir par exemple faire agréer sa liste d’admissions, d’échanger avec les nouvelles, ou plus simplement de penser que l’on pouvait faire une analyse ailleurs que dans un cercle restreint de cabinets parisiens. Il a été difficile de comprendre à l’Ecole de la Cause freudienne que cette Ecole n’était plus la seule. Nous avions en effet des interlocuteurs nouveaux dans le monde, et ce sont vos interventions, Jacques-Alain Miller, qui ont été déterminantes pour faire vivre cette idée nouvelle. Vous nous avez appris en effet à écouter et à entendre tous ces collègues. C’est ainsi que votre action dans l’AMP nous a aidés à sortir de l’entre-soi en ouvrant nos particularismes nationaux voire régionaux au monde et à la psychanalyse lacanienne, en faisant exister cet espace international où nous revenait avec d’autres de faire connaître le tranchant de l’enseignement de Lacan.

            Ainsi, ce retour du multiple dont vous parliez dans votre rapport, et que contient le projet de résolution, a été compris par le Conseil de l’Ecole de la Cause freudienne comme une déclaration de défiance, qui prétendait remettre en cause votre action dans l’AMP mais aussi le fonctionnement des Conseils des cinq Ecoles. Nous voulons dire pourtant que c’est votre action qui a mené, sans bureaucratie, vers la constitution d’Ecoles diverses et de l’AMP, sans jamais limiter la liberté d’innovation de chacun.

            Le Conseil a tenu et tient à réaffirmer son attachement à la politique du désir contre celle de la multiplication des instances de contrôle. En conséquence, le Conseil redit son soutien à l’orientation issue de la logique du discours analytique donnée à l’AMP par Jacques-Alain Miller, son délégué général.

            Marie-José Asnoun, Anne Dunand, Hugo Freda, Pierre-Gilles Guéguen, Monique Kusnierek et Anne Szulzynger, ont tenu à dire leur soutien à cette prise de position du Conseil de l’Ecole de la Cause freudienne. Je lis trois lignes d’une lettre de l’un d’entre eux, qui résume leur position : “ Par cette lettre et en tant qu’AE, je fais part de mon soutien au Conseil de l’Ecole de la Cause freudienne. Je suis d’accord avec sa déclaration du 7 juillet, qui réaffirme son attachement à la politique du désir contre celle de la multiplication des instances de contrôle, et qui redit son soutien à l’orientation issue de la logique du discours analytique donnée à l’AMP par Jacques-Alain Miller, son délégué général. ” Les responsables des ACF ont aussi dit leur soutien à l’action du Conseil statutaire et du délégué général de l’AMP. Et sur ce texte du Conseil statutaire, le Conseil de l’ACF-Belgique a tenu particulièrement à dire son plein accord.

            A titre personnel. Je voudrais vous dire que j’ai été sensible à la confiance que vous m’avez toujours faite, pour l’Ecole et aussi pour la Section clinique. Cette confiance est réciproque. Quand cela m’est apparu nécessaire, je me suis adressé à vous, et je vous ai toujours trouvé disponible et aussi respectueux des idées que des choix de chacun.

            Vous aviez avancé que notre champ était un paysage, c’est-à-dire un champ des différences - il me semble que c’est aussi ce que vous avez repris aujourd’hui. Pour autant, être dans le paysage, pour travailler ensemble, ne dit pas l’orientation. Pour moi, ce qui m’oriente c’est la lecture de Lacan, une lecture que me permet votre contribution. Je vous ai écrit dans une lettre du  2 juin, que j’avais lu avec un grand intérêt ce qu’avait écrit, remarquablement à mon sens, le directeur de la Section Minas Gerais de l’EBP, ainsi que votre réponse dans laquelle vous évoquiez les “ soi-disants comtes paladins de l’EFP ” : “ Ils sont toujours en vadrouille dans leur Nébuleuse, m’imputant de les avoir délogés, alors que j’ai ramassé dans le ruisseau l’agalma qu’ils avaient jetée. ” et j’ajoutais : “ N’est-ce point pour une part la même question qui revient, mais cette fois de l’intérieur? Est-ce que nous n’avons pas nous aussi nos “ soi-disants ”? Est-ce qu’il n’y en a pas toujours qui vadrouillent, qui se plaignent d’être délogés, et qui tentent au détour d’un chemin, toujours très personnel, de détourner cette agalma pour la remettre dans le ruisseau? ”.  Je sais que votre action vise à aller contre cette pente dans l’Ecole et dans l’AMP.

            C’est pourquoi je soutiens votre action, et je souhaite votre réélection comme délégué général de l’AMP, pour qu’ainsi se poursuive, avec vous, la Grande Conversation dont vous nous avez parlé. Merci.

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Oscar Sawicke rappelle  aux présents que les listes d’inscription pour le vote seront ouvertes jusqu'à 13h15.

 

            Jorge Forbes - Je vais intervenir en espagnol, en “ portuñol ”. En tant que président de l’EB,  je souhaite vous dire que le Conseil de l'EBP n'a pas fait de déclaration récente de soutien à la direction de Jacques-Alain Miller. Lors de sa réunion de lundi soir, le Conseil a en effet considéré qu’il n’était pas nécessaire de le  faire car il l’avait déjà fait en juin. Ce qui se passe aujourd’hui n’étant que la continuation de ce qui se déroulait déjà à ce moment-là.

            Il m’a été demandé de redire l’appui unanime à la direction de l’AMP. C’est donc bien quatre Conseils (et non pas trois ) et  deux Présidents qui ont déclaré dans leurs lettres cet appui, ce qui veut dire un soutien unanime de la part de 9 personnes présentes à la réunion. Une personne seulement était absente.

            Je m’adresse maintenant à titre personnel, à Jacques-Alain Miller. Je pourrais te remercier du soin que tu as apporté à ton exposé, du travail important que tu as accompli en tant que Délégué général, applaudir ta clarté, exprimer mon accord avec ton analyse sur les écoles et tout spécialement ton analyse  sur l’EBP mais je voudrais souligner un aspect.  La logique que tu as associée à l’Ecole, à l’institution psychanalytique : la théorie et la clinique fondées sur le transfert, le seul ciment qui nous intéresse. Je suis très heureux de fait, de faire partie d’une association qui fait l’éloge de l’initiative et de la passion particulière. C’est pour cela que mon vote est franchement positif. 

 

            Esthela Solano - J’ai pensé hier, à l’appui de Balthasar Gracian, que la vérité était en couche, et que cet accouchement, me semble-t-il, a été un peu long puisqu’il a duré exactement deux ans. Ca y est ! La vérité a accouché hier. On est arrivé au moment conclusif. C’était intéressant de constater, à la fin de la Grande Conversation d’hier, que c’était comme un Bal à l’Opéra, une chute des masques. C’était très instructif. Aujourd’hui, de cet accouchement se dégage un vel politique très clair. Ce vel politique va conduire les uns et les autres au niveau de leur jugement intime à prendre une décision dans un vote, qui aura incontestablement le statut d’un acte. A cet égard, je veux attirer l’attention de cette assemblée sur la logique de ce vel politique clair et distinct, qui se présente devant nous.

            Entre quoi et quoi devons-nous choisir? Je dirai que, d’une part, nous avons l’orientation de l’Un, et, d’autre part, celle du multiple, mais quand même avec une certaine complexité logique à l’intérieur.

            D’une part, donc, une orientation claire, distincte, fondée en raison, qui s’inscrit dans le tranchant du combat ouvert par Jacques Lacan depuis son Acte de fondation. Cette orientation Une, celle qui accueille cette Grande Conversation, est une orientation dans laquelle chacun de nous a fait l’expérience d’avoir pu trouver sa place. C’est donc une orientation qui accueille les énonciations de chacun, nous en avons suffisamment de preuves pour ne pas revenir là-dessus.

            De l’autre côté, le multiple, sous les espèces de ce qui se présente d’une façon un peu lamentable devant nous, sous les splendeurs du groupe. Nous avons pu constater hier des effets de groupe patents, qui ont été animés et instigués au cours de cette Conversation. Je fais appel ici aux applaudissements, [?a una harenga e diverte?] de la part d’une de ces dirigeantes. Ces effets de groupe ont été exploités finement à partir des effets de sens pour toucher le pathos, ce pathos qui dort toujours au fond de l’insatisfaction de chacun. Ces effets de groupe trouvent aussi leur Un, qui leur donnent une unité, unité que je déclinerai sur deux versants. Cette unité est donnée, d’une part, par une position subjective de victimisation. C’est une unité clinique. Cela consiste à parler d’une façon extrêmement irresponsable, à ne pas prendre en charge sa propre énonciation, et ensuite à ne pas assumer les effets de retour de ses énoncés, se déclarant exclu par l’autre, ignorant qu’il y a des énoncés de auto-exclusion : on est toujours responsable de ce qu’on dit, de ce qu’on laisse entendre et des effets d’auto-exclusion que ses propres énoncés produisent. D’autre part, à partir de cette symphonie des plaintes, qui n’avaient pas de consistance théorique, le Un de ce groupe nous était présenté vraiment comme la trouvaille de la bureaucratisation, pour se substituer à ce qui fait orientation.

            Alors, c’est à nous de choisir, bien entendu. Chacun choisira. Chacun choisira de s’exclure ou non de la Grande Conversation psychanalytique. C’est notre choix. Certains choisiront de faire une petite communauté avec ceux qui méprisent notre Grande Conversation, nous traitant d’immatures et d’influencés par je ne sais quelle pensée malveillante, et ils choisiront de se faire la victime de l’exception. On sait que c’est le fondement de tout fantasme, “ On bat un enfant ”, on se prend pour la victime de l’exception paternelle et on fait exister l’Autre de la jouissance. Ou bien vous choisirez de participer à la Grande Conversation, là où le moins-un fait série, favorise la trouvaille et l’invention de chacun. Ou bien vous choisirez d’aller avec ceux qui pensent que le summum est de penser par soi-même, c’est-à-dire de penser tout seul dans sa petite tour d’ivoire. Merci.

 

            Ricardo Nepomiachi - En tant que président du Conseil statutaire de l’EOL, je voudrais réaffirmer la déclaration de ce Conseil émise le 9 juillet à Buenos Aires. Erneta a fait allusion cette déclaration, je souhaite pour ma part reprendre dans cette assemblée, les points essentiels.

            1) Faire part de notre étonnement suite au débat qui s’est déroulé sur Internet, quant à la crise que nous étions en train de vivre.

            2) Le Conseil a affirmé qu’à aucun moment il n’a cessé d’être responsable à la hauteur des fonctions prévues dans les statuts. Nous savons que des membres du Conseil ont sollicité et reçu des avis ou des suggestions du  Délégué général et qu’il a toujours remis entre leur main la responsabilité de leurs décisions.

             3) Le conseil reconnaît l’AMP comme l’une des structures les plus démocratiques du Champ freudien.

            4) Il a affirmé qu’il considère que  cette conjoncture est propice à ce que la communauté analytique puisse être informée sur le fonctionnement effectif de l’association. 5) Enfin, le conseil a réaffirmé, de façon unanime, son soutien à l’orientation de l’AMP et renouvelé sa confiance à l’actuel  Délégué Général. 

            Je voudrais  maintenant faire brièvement référence à la proposition de Jacques-Alain Miller d’une Ecole Une, et dire pourquoi cette idée a semblé formidable à Buenos Aires. Si nous partons de l’idée qu’il ne s’agit pas de la communauté de l’EOL, la communauté de Buenos Aires, si les sections de l’intérieur constituent une communauté suggestionable ou bien une communauté qui se contente de répondre aux directives éducatives du délégué général, -  sans  doute que la communauté psychanalytique, en Argentine,  reçoit des influences. Nous sommes très influencés mais nous le comprenons au sens de la structure de l’élaboration provoquée.

            Si la proposition d’une Ecole Une nous  a paru d’emblée formidable à Buenos Aires, c’est parce qu’avec cette idée,  nous recevons notre propre message sous une forme inversée. Car je veux rappeler que dès le début, ceux qui ont été responsables de la conception de l’EOL au moment de sa fondation, ont refusé l’idée d’une école argentine de psychanalyse et ont voulu développer  dans l’EOL une section européenne. Cette section a 38 membres qui habitent Paris, Madrid, Barcelone. En ce sens l’EOL permettait, déjà en 92, de transiter vers l’Ecole Une, d’où l’absence de conflit avec les instances et la politique de l’AMP. Nous avions déjà subjectivé cette signification. C’est la raison pour laquelle effectivement, je crois et je parle cette fois en mon nom même si j’interprète l’ensemble des membres de l’EOL, que cette idée d’Ecole Une nous paraît formidable.

            German Garcia avait à l’intérieur de notre propre Conseil, il y a quelques années, déjà nommé ce sentiment d’acheminement vers une Ecole Une lorsqu’il affirmait : “ nous sommes une section de l’AMP ”.

 

           Colette Soler - Le un et le multiple. Le multiple des analyses ne fait pas retour, parce qu’il n’avait jamais disparu. Le multiple des analyses, disait Jacques-Alain Miller tout à l’heure, est articulé au Un de l’orientation, et n’en est pas disjoint. J’en suis complètement d’accord. Seulement, le Un lui-même est multiple. Il n’y a pas un seul Un.

            Il y a le Un de l’orientation, le Un précieux que nous avons reçu et continuons de recevoir de l’enseignement de Lacan et de tous ceux qui s’emploient, avec Jacques-Alain Miller, à le perpétuer et à le faire vivre. Ce Un de l’orientation est distinct du Un du pouvoir institutionnel. Ils sont articulables, parfois articulés, mais distincts.

            Ce que j’ai mis en question, et je l’ai mis en question conjoncturellement et pas essentiellement, ce que j’ai mis en question pour les deux dernières années, c’est les modalités - certaines modalités, pas toutes -, certaines modalités du pouvoir au niveau de la politique institutionnelle.

            Cette binarité du Un, divisé entre le Un d’orientation et le Un que j’appelle politique - au sens de la politique institutionnelle, de la direction institutionnelle -, cette binarité se retrouve à plusieurs niveaux. Elle se retrouve dans les Ecoles elles-mêmes. Je l’ai dit dans ma première lettre : le Un de l’orientation d’Ecole est quelquefois menacé par le Un associatif, par le Un groupal, eh! oui, parce que le groupe n’est pas dehors toujours. Et au fond ce n’est pas une idée nouvelle, c’est une idée de Lacan lui-même, qui, pour son Ecole, avait fini par considérer que l’association EFP entrait en opposition à son Ecole.

            Alors, je précise à quel Un je dis non. Je dis non aux modalités du Un du pouvoir institutionnel tel qu’il s’est exercé depuis deux ans. Et je dis oui et je garde le Un de l’orientation, parce que je précise que, pour ce qui est du Un d’orientation, nul n’en a le monopole.

 

           Eric Laurent - Je voudrais d’abord, en tant que président de l’Ecole Européenne, apporter un élément d’information dont ne dispose pas l’assemblée des membres de l’AMP. Après la lettre du président du 9 juillet, une réunion du Conseil de l’EEP a pu avoir lieu le lundi 13. Lors de cette réunion, l’ensemble des membres du Conseil présents, à l’exception d’une personne, a approuvé la lettre du président, du moins la partie qui portait sur l’étonnement et le refus de considérer que l’AMP, en quoi que ce soit, ait gouverné l’Ecole au cours des trois ans d’existence de ce Conseil et de la présidence que j’animais. Donc il faut encore ajouter un Conseil à la liste de ceux qui ont approuvé l’orientation donnée par le délégué général de l’AMP, bien que je regrette qu’il y ait eu une voix contre.

            Je dirai ensuite quelques mots que je n’ai pas pu développer hier, à la suite d’interventions d’un certain nombre de collègues, sur la confusion qu’il y aurait actuellement dans nos Ecoles sur la hiérarchie et le gradus, ou le Un d’orientation et de direction - selon la formule que vient de rappeler Colette Soler, mais je reprenais aussi des propos tenus hier par d’autres collègues. Je crois qu’il s’agit d’une profonde erreur de lecture de ce qui est en question dans l’enseignement de Lacan, et c’est pour ça que je pense utile de marquer quelques réserves sur ce point. C’est que, à plusieurs reprises, on nous dit qu’au cours des deux années précédentes il y aurait eu des éléments de confusion du gradus et de la hiérarchie, en particulier pour l’exemple du cartel B, de la mise en question des décisions prises, et comme le disait Pierre Bruno hier contestant la position selon laquelle il fallait des raisons importantes pour refuser la nomination d’un responsable. Je voudrais développer rapidement ce point.

            La hiérarchie, telle que nous la concevons, est toute entière minée par un point, qui est que le membre a exactement le même droit de vote dans nos associations, quelle que soit sa hiérarchie et quelle que soit son insertion dans le gradus. Qu’il vienne d’arriver, qu’il soit là depuis vingt ans, qu’il soit AME, AE, AP, ou qu’il ne pratique pas la psychanalyse, eh bien! il aura exactement le même droit de vote. C’est une mise en cause radicale de la hiérarchie, et c’est ce qu’a fait valoir le délégué général dans une analyse publiée dans Le Monde en réponse à des attaques de l’organisation lacanienne par quelqu’un de l’IPA, André Green.

            C’est un point qui est crucial. Car ensuite, à partir de là, comment se sélectionnent nos responsables? Comme je le disais hier, dans un système où nous comptons à la fois sur le règlement, la permutation, le tous-pareils, d’un côté de la norme nous intégrons aussi le savoir-faire avec le réel, l’exception propre à chacun. Ce qui fait que la sélection des responsables, en fait, est une sélection de personnes qui ne soient pas des zéros, qui aient avec le réel en jeu, dans l’expérience de la psychanalyse, un rapport dont ils témoignent par l’énorme effort de publication que nous opérons, et de façon militante, oui, avec des affiches, des congrès, des journaux, [des publications,] qui demandent un effort gigantesque. Cet effort militant fait en sorte que les publications de la plupart de nos responsables, et je dirais même de tous, sont connues de l’ensemble. Et c’est ce qui fait que ce ne sont pas des zéros qui sont sélectionnés.

            C’est à partir de là, de ce mode original de l’orientation lacanienne de la constitution de l’association, donnant sa place à l’exception, au-delà du fonctionnement bureaucratique, que s’obtient ce fait ce ne sont pas des bureaucrates qui viennent se présenter à la passe, quand c’est quelquefois et souvent le cas. Ce sont des personnes qui ont témoigné de leur rapport à la cause analytique, ce qui a fait que déjà une trace s’est inscrite dans notre mouvement lorsqu’ils en arrivent à demander la passe dans des cartels de telle ou telle Ecole. Et c’est pour ça que je disais qu’il fallait des raisons, manifester un certain intérêt, peut-être en faire plus que n’a fait ce cartel.

            Mais au-delà de l’exemple du cartel, c’est plus profondément cette conception de hiérarchie-gradus, qui fait un peu penser à théorie-pratique, théorie-bureaucratie, qui ne colle pas pour nos associations, où en effet direction et orientation sont liées, car les charges de direction sont exercées par des personnes qui ont un certain savoir-y-faire avec ce dont il s’agit. Et c’est pour cela que c’est très difficile d’opérer le même type de séparation que proposait le nommé Turquet à Lacan : on le prive de didactique, mais qu’il continue son enseignement, c’est un excellent sergent-recruteur pour la psychanalyse. Non. C’est un système où celui qui en effet témoigne de son rapport à ce dont il s’agit, peut ensuite en tirer les conséquences à l’intérieur de notre association.

            Et c’est pour ça que je ne pourrai pas suivre nos collègues qui critiquent à l’occasion ce mélange hiérarchie-gradus. Je crois qu’ils méconnaissent profondément la façon dont est conceptualisée l’association.

 

           Enric Berenguer -  Dans ce nouveau contexte et avec les nouvelles propositions de l’AMP, il me semble qu’un pas de plus est nécessaire dans la direction tracée par l’AMP. Je voudrais en ce sens insister sur quelques points et je m’adresse en particulier à mes collègues de Barcelone, un par un. Il est certain à mon sens,  que Barcelone a été le lieu où les conditions de travail ont été particulièrement favorables et ceci parce qu’il y a  une certaine Aufhebung dans notre section de Catalogne. Mais malgré les gains indiscutables de la Section, il convient également de se rappeler que  la tension structurale entre le local et l’Ecole produit des effets limitatifs. Il ne s’agit pas du fantôme des groupes anciens. Celui-ci a disparu pour toujours mais le  groupe crée toujours de nouvelles ombres qu’il s’agit de dissoudre. Et il faut avoir présent à l’esprit que dans les moments cruciaux ces ombres grandissent.

 Les conditions commencent déjà à être modifiées par la mise en marche de la procédure de la  passe qui a  produit des liens effectifs de travail et cela nous le devons à l’AMP. L’expérience me paraît suffisante pour indiquer qu’il faut poursuivre dans ce sens et faire un pas de plus. Ce pas de plus est pour moi l’essentiel. Chacun doit se situer par un oui ou par un non. Hier des noms différents se mettaient en liste mais l’ensemble qu’ils forment n’est pas clair. A quoi disent-ils oui ?

            Je suis contre la politique du non, c’est-à-dire la politique du malaise. Je suis en faveur d’un oui décidé, dans le sens de ce pas de plus que Jacques-Alain Miller a indiqué dans son rapport.

 

        Bernardino Horne -  Avant de passer la parole à Yasmine Grasser, je veux lire une brève déclaration du Conseil de l’AMP.

            Le Conseil de l’AMP réuni à Barcelone, le 20 juillet 1998, a eu une discussion critique sur l’action  de l’AMP au cours des deux dernières années, sur les problèmes qui se présentent et sur les perpectives futures de l’Association. Il déclare :

            1) Le temps récent des conversations a été très important pour le développement des écoles et de l’AMP. Il a permis une atténuation des relations imaginaires et une clarification de la logique qui oriente la clinique, la transmission et l’association des analystes.

             2) Il faut conclure sur l'ensemble de ce qui a été dit. L'espace des statuts n'est pas plus grand que celui de l'affectio societatis. La prise de position n'obéit pas exclusivement à l’ordre des raisons mais concerne la logique d'une orientation

             3) Le Conseil de l'AMP propose :

a) d’appuyer l'action menée par l'AMP, représentŽe par son délégué général ;

b) d’appeler les  membres de l'AMP à renouveler leur confiance, à travers leur vote,  à Jacques-Alain Miller en tant que délegué général, pour les deux prochaines années ;

c) que le conseil de l'AMP qui entre en fonction maintenant  soit plus présent dans la vie de l'Association en instaurant un contact épistolaire mensuel et une réunion générale à chaque semestre ;

d) qu'une discussion sur l'Ecole mondiale et ses conséquences sur  la scène générale de la psychanalyse,  soit initiée.

            Ce communiqué a été approuvé par six voix pour et une contre. Etaient présents : Antonio Di Ciaccia, Bernardino Horne, Danièle Silvestre, Jean-Pierre Klotz, Jorge Forbes, Oscar Sawicke  et Rithée Cevasco.

 

        Yasmine Grasser - Pourquoi je suis pour une Ecole Une et une Ecole mondiale de psychanalyse. Vous avez reçu ce journal, le Journal des Exceptions, et je voudrais souligner que, si le Cercle de Tel Aviv comme le Cercle de Londres ont l’espoir d’avoir peut-être un jour une Ecole de psychanalyse - en tout cas pour l’instant ils ont pu intégrer l’Ecole Européenne -, le Groupe Franco-Algérien, qui a été accueilli, d’abord par l’expérience analytique, puis par Judith Miller pour le Champ freudien, n’a absolument pas l’espoir d’avoir un jour une Ecole de psychanalyse dans un des pays arabes. Ces personnes, qui n’ont pas pu rejoindre par ailleurs ni une ACF ni une Ecole quelle qu’elle soit, l’AMP les a accueillies. Qu’un jour peut-être il y ait une Ecole mondiale, c’est leur espoir. Ils ne sont pas très nombreux, ils sont moins nombreux que dans les pays anglo-saxons, mais ils sont là et on a à les accueillir. C’est ce qu’ils m’ont appris en tout cas. Et c’est ce que Jacques-Alain Miller par son oui nous permet.

            Je voudrais dire aussi pourquoi je suis pour cette Ecole Une. Parce que je ne veux pas ce que j’ai entendu hier. Je ne veux pas d’une permutation qui soit du carriérisme. Je ne veux pas que, quand on change de poste parce qu’on permute, on en attende un autre. Je veux que la permutation permette d’élaborer le concept de l’Ecole. Et cette permutation-là, Jacques-Alain Miller nous la montre en mettant son mandat en jeu tous les deux ans, alors que pour construire une Association Mondiale de Psychanalyse on peut imaginer que le délégué général pourrait être en poste pour au moins cinq ou six ans. Eh bien! non, il n’hésite pas, lui, à le remettre en jeu, pour élaborer pour nous ce concept d’Ecole. Donc je suis pour cette Ecole, que, j’espère, nous allons construire ensemble.

            Troisième point, je répondrai à Pierre Bruno. Cela m’est égal d’être formatée, formatée par le discours analytique — pourquoi pas? Mais je préfère être formatée à ma manière qu’à celles que j’ai entendues hier, et dont je viens d’entendre encore quelques échos ce matin.

 

           Manuel Kizer - Personnellement, une élaboration m’a été nécessaire qui a finalement  abouti hier. Si le problème résidait dans le fait de dire un oui au Un de l’orientation et un non au “ Un du pouvoir ”, il y aurait une solution facile et rapide. Or, je crois qu’il y a un non au Un du pouvoir et au Un de l’orientation, rendu patent par le fantasme du naufrage causé par le capitaine, fantasme qui me semble insupportable dans une association telle que la notre. 

            C’est pourquoi,  j’attire l’attention des présents parce que le vote d’aujourd’hui est un vote de beaucoup de poids. Et c’est un poids dont nous pouvons soutenir le mouvement qui a toujours supporté l’AMP en ce point vide. En ce point, il ne se sait pas bien comment aller de l’avant parce que le chemin s’invente en marchant. Ainsi, c’est avec beaucoup de joie que personnellement j’apporte mon soutien à Jacques-Alain Miller avec qui j’ai longtemps travaillé. Je connais sa position.

            Il ne suffit pas de dire oui, il est nécessaire de critiquer le non. Car il ne s’agit pas seulement dans ce non de critiquer ou de discuter certaines modalités.  Certains  veulent en finir avec tout le mouvement qui a été mis en place. Si ce groupe persiste dans notre organisation, il me semble que ce serait une contradiction énorme. Pourquoi ne s’en vont-ils pas ? Qu’ils fassent leur groupe à part, qu’ils fassent tout ce qu’ils veulent  mais hors de notre association !

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            Avant de passer au vote, le Président donne la parole à Rosa Maria Calvet, Présidente du Congrès et à Clara Kizer qui souhaite lire une brève déclaration de son Conseil.

 

            Rosa Maria Calvet - Je veux rappeler à tous les présents la confiance que l’AMP et son conseil nous a accordé pour ce congrès, mais aussi celle de la Fondation du Champ freudien. S’ajoutant à cette confiance, nous avons bénéficié de l’orientation et du réel travail de Judith Miller qui,  tout au long de ces deux années, s’est déplacée et a travaillé avec nous.

            Je veux rappeler qu’il y a déjà quelques années, nous avions organisé des journées cliniques dans une banlieue de Barcelone et un collègue est venu nous dire que les membres de l’IPA  allaient nous faire un procès pour pratique illégale de la clinique. Nous avons tenu ces journées-là. Nous n’avons pas reculé. Et nous n’allons pas reculer non plus aujourd’hui devant la proposition du Délégué Général. Si la vraie psychanalyse, la psychanalyse que Lacan a soutenue à Barcelone, existe en Catalogne, c’est parce que Jacques-Alain Miller a montré envers nous une confiance mégalomaniaque, très supérieure à celle que nous pouvons avoir en nous-mêmes.

            Vous verrez dans le programme de la Rencontre qui sera inaugurée demain, qu’il y a une séance plénière de la Section de Catalogne. Vous verrez  qu’il y a  une majorité de présentations cliniques de cas de psychose. Nous n’avons pas non plus reculé devant ce réel et c’est le pari de Lacan envers la psychose.

            Nous n’allons donc pas reculer aujourd’hui, dans ce moment de crise. Ni demain, ni après-demain, ni dans les temps futurs.

            J’ai dit à la réunion du Conseil de l’AMP en réponse à la constitution d’une Ecole à Barcelone, que j’avais une confiance aveugle dans le Délégué Général. Je sais que cela irrite beaucoup. Nous n’allons pas reculer devant le signifiant du manque dans l’Autre. Toute confiance est toujours aveugle. Aussi mon vote est-il de renouveler ma confiance à l’orientation et à la direction de Jacques-Alain Miller.

            Je tiens à vous remercier, au nom de la commission d’organisation, pour les félicitations que vous nous avez  adressées et transmises  au un par un. Un collègue qui a travaillé avec nous m’a dit que pour lui,  la preuve de l’Ecole Une a été faite. Il est venu à la Section de Catalogne et il s’y est senti “ dans  l’Ecole ”. C’est la plus belle chose que j’ai entendue car elle traduit l’orientation que nous a transmise Jacques-Alain Miller.

            Quelques collègues qui font partie la commission d’organisation ont participé à la réunion convoquée par Colette Soler et certains prendront peut-être d’autres chemins. Mais rien,  non rien,  n’effacera le travail que nous avons fait jusqu'à ce jour grâce à la constance de Jacques-Alain Miller. Cela je le sais et j’ai une mémoire qui surprend tout le monde en raison de ma structure.            

Enfin, je voudrais dire au Docteur  Kizer qu’il ne s’en fasse pas. Le mouvement ne s’arrête qu’avec la mort réelle.

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            Le président propose de passer au vote.

 

4ColetteSolerRapportdeTrésorerie

 

            L’Assemblée reprend à 15 heures. Bernardino Horne donne la parole à Colette Soler pour le Rapport de Trésorerie.

 

            Colette Soler - Le rapport sera bref car il s’agit d’une trésorerie dont le fonctionnement est simple.

1) Sur la structure et le fonctionnement. La structure est décentralisée. Les cotisations sont appelées et perçues par chacune des écoles et ce sont les responsables de chacune de  ces écoles qui constituent la commission financière. Sa composition est connue. La tâche de la trésorière se répartit ainsi :

 a) veiller à ce que la rentrée des cotisations s’effectue pour chaque école dans les délais de l’année civile. Cette tâche  est légère ;

b) elle consiste à encaisser sur le compte de Paris les sommes perçues pour l’ECF, l’ECFC, l’EBP, l’EEP Dev. et le (?). Les membres de l’EEP Espagne cotisent à une caisse à Barcelone et ceux de l’EOL à Buenos Aires.

2) Les commentaires sur les cotisations. Dans l’ensemble, il y a très peu d’impayés ainsi que le montrent les chiffres les plus élevés. Par exemple,  en 96 pour l’ECF : 10 impayés, pour l’ECFC :11, pour l’EOL : 14. En 97 idem, très peu d’impayés. Il faut signaler que six d’entre eux ont été payés depuis, après  l’établissement du rapport . Il appartiendra aux conseils des écoles de voir ce qu’il convient de faire avec les membres qui n’ont pas payé leur cotisation depuis plus de deux ans .

3) Commentaire sur le bilan financier. Les recettes de l’AMP sont constituées par les cotisations d’une part, par les rapports des placements qui sont faits avec les sommes déposées. Le trait frappant : il y a peu de dépenses. Il y a les dépenses courantes : appel de cotisations, dépenses liées à l’organisation de l’A.G., quelques dépenses qui correspondent aux publications promues par le Délégué Général. Pour 96 : La Dépêche, Temps logique, The Knot. Pour 97 : Publications à partir du Collège de la passe et des Conversations.

4) Des problèmes dans le fonctionnement : il n’y en a pas. Un point est susceptible d’être amélioré. Ce sont les trésoriers des écoles qui ont la charge d’appeler les cotisations. Or,  quand dans une école un membre de la commission  n’est plus trésorier, cela fait un intermédiaire de plus. Il me semble que ce point est susceptible d’amélioration.

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            Bernardino Horne demande si un autre membre de la Commission Trésorerie souhaite intervenir, et déclare ouverte la discussion sur le Rapport de Trésorerie.

 

            Jean-Louis Woerlé - C’est juste une petite remarque, qui nous a déjà été faite par un expert-comptable, en raison de l’écart important entre les recettes et les dépenses qui, au niveau du droit fiscal français, pose problème aux associations. Cet écart important, qui est tout à l’honneur de l’AMP, risque cependant, lors d’un contrôle, de poser quelques problèmes au regard de la loi française.

 

            Colette Soler - Davantage de dépenses ?

 

            Jean-Louis Woerlé - Je n’ai pas d’idée immédiatement. Je ne pense pas par exemple qu’il faille diminuer les cotisations, ce serait une très mauvaise chose. Il faut inventer quelque chose.

 

            Jacques-Alain Miller - Je voudrais dire à Woerlé que cela a été mon idée que les premières années d’une association, partant de zéro, devaient servir à accumuler de l’argent pour assurer sa base. C’est vrai qu’il y a un certain nombre de dépenses qui auraient pu être imputées à l’AMP et qui ne le sont pas : l’ensemble du secrétariat ; tous les textes qui ont été publiés, par exemple ceux du Collège de la passe, grâce à l’e-mail, sont souvent dactylographiés par les auteurs eux-mêmes. Tout ce travail-là n’est pas facturé à l’AMP. D’autre part, je n’ai pas voyagé pour l’AMP spécialement, j’ai toujours été finalement invité par des Ecoles ou par des Sections, et c’est à cette occasion que j’ai pu agir comme délégué général de l’AMP. C’est vraiment pour la première fois que mon voyage au Brésil a été spécialement pour l’AMP, et mes petits voyages à Madrid, etc, seront pris en charge par l’AMP.

            D’autre part, le Conseil de l’AMP sortant m’a fait connaître son idée qu’il serait bien que le Conseil de l’AMP ait des réunions plus fréquentes. J’ai proposé une réunion annuelle, ce qui n’a pas toujours été le cas. Le Conseil sortant évoque une réunion tous les six mois. Ce sera au Conseil entrant d’évaluer ce qu’il veut en faire, ce qui représentera quelques dépenses supplémentaires ensuite.

            Je pense également que la grande affaire est de savoir quel type de publications peut avoir l’AMP. L’IPA a quand même résolu brillamment le problème en adoptant l’anglais, qui est la lingua franca du monde moderne, et cela leur permet avec une seule langue d’avoir une publication centrale. Chez nous c’est beaucoup plus multiple précisément, ce qui est formidable, mais ce qui jusqu’à présent coûte plus cher et est beaucoup plus complexe. Evidemment, avec Internet déjà on peut trouver une solution, mais c’est à inventer. Alors il y a la publication multilingue, mais qui ne me convainc pas entièrement pour ma part, c’est-à-dire les articles français qui sont en français, les articles espagnols qui sont en espagnol, les articles portugais qui sont en portugais. C’est vrai que ça aide à apprendre les langues, mais comme objet, peut-être que je retarde, mais ça me gêne, j’aime bien que les publications soient dans la même langue.

            En tout cas, je vois des frais de voyage et des frais de traduction qui vont maintenant s’ajouter. Etant donné aussi que les difficultés que vient de traverser l’AMP, finalement on veut être plus proches les uns des autres, donc il y a un certain nombre de choses qui peuvent le permettre et qui coûtent de l’argent.

            Si on clôt le débat, je voudrais ajouter que je remercie Colette Soler de la collaboration qu’elle m’a apportée depuis six ans à la trésorerie. Je l’ai remerciée à chaque Assemblée générale et je la remercie de même à celle-ci.

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          Bernardino Horne procède au vote du quitus  à main levée. Le rapport de trésorerie est accepté à l’unanimité, et le Président remercie Colette Soler. [Applaudissements] Colette Soler quitte la table des orateurs.

            Le Président donne la parole à  Clara Kizer, en tant que Presidente du Conseil de l’Ecole du Champ freudien de Caracas.

 

            Clara Kizer - Le Conseil de l’ECFC a élaboré un manifeste. Je voudrais en  extraire quelques points et en particulier la question de l’orientation versus direction dont je souhaite qu’elle continue à être débattue.

            Je voudrais dire concernant l’orientation qu’elle a été maintenue à cent pour cent depuis le début. L’Ecole fonctionne de manière totalement autonome. Nous consultons parfois Jacques-Alain Miller pour des questions concernant l’orientation. 

            Je souhaiterais mettre l’accent maintenant sur un des points du communiqué élaboré par le Conseil, qui souligne la confiance dont nous a témoigné Jacques-Aalin Miller, et tout particulièrement lors de la création du Champ freudien de Caracas. Lorsque Jacques-Alain Miller est venu au Vénézuela en 79, nous étions un tout petit groupe qui se réunissait pour étudier comme il pouvait Freud et Lacan. Cependant malgré que nous n’étions qu’un tout petit groupe, Jacques-Alain Miller a réalisé deux tâches. Il a d’une part,  tenu un séminaire à l’Université Centrale du Vénézuela, qui est connu depuis sous la forme des Cinq conférences de Caracas et est devenu  Parcours de Lacan. Il a accordé d’autre part,  un vote de confiance incroyable au tout petit groupe que nous étions. C’était plus que la signature d’un chèque en blanc. Il s’agissait plutôt de tout un chéquier en blanc que Jacques-Alain  nous a confié, en décidant la Rencontre de 1980, première Rencontre Internationale qui a amené Lacan en Amérique Latine pour la première fois et la seule fois.

            Quelques années plus tard, c’était la première école fondée en dehors de Paris. A partir de là, dans chacune des écoles, la tâche de Jacques-Alain Miller a été de donner des indications d’orientation concernant les solutions des problèmes à traiter plutôt.

            1) Le conseil statutaire de l’Ecole du Champ freudien de Caracas réaffirme son engagement envers les principes fondamentaux qui ont régi le Pacte de Paris qui a constitué le  cadre de la création de l’AMP avec le développement que nous connaissons et le fonctionnement qui a permis un tel développement

            2) Selon l’expression de l’ECFC,  ce fonctionnement a été celui d’un élément hétérogène qui à aucun moment n’a dirigé ses instances et confiance.

 

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            Bernardino Horne remercie Clara Kizer, et appelle Ricardo Seldes, Secretaire  de l’Association, pour donner les résultats du vote.

 

5LeRésultatduvote

 

            Ricardo Seldes - Ont assisté au dépouillement du scrutin : Antonio Di Ciaccia, Rithée Cevasco, Angelina Harari, Xavier Esqué et Rosa Calvet — et Joseph Monseny, pardon. Le scrutin s’est déroulé en présence d’un notaire. Les résultats sont les suivants : sur 607 votants, pour le “si” 472, pour le  “no” 92. Votes “ blanc ” 21 et “annulés” 22. (Longs applaudissements).

 

            Bernardino Horne prend la parole pour inviter les présents à voter à main levée pour valider les résultats du vote à bulletin secret sur le Rapport du délégué général. Il précise que, pour un motif statutaire, l’acceptattion des résultats du vote est nécessaire. Les présents votent à l’unanimité la validation des résultats du vote  résultats du vote.

            Le président  déclare en conséquence, au nom de l’ Assemblée,  que Jacques-Alain Miller est réélu, pour une période de deux ans, comme délégué général de l’ Association Mondiale de Psychanalyse. [Longs applaudissements]

            Une fois proclamé le résultat du vote, le délégué général réélu reprend la parole à l’invitation du Président de l’Assemblée, Bernardino Horne.

 

            Jacques-Alain Miller - Je remercie les collègues qui ont bien voulu me renouveler leur confiance. Cela prend à mes yeux, dans les présentes circonstances, la valeur de ce que l’on appelle en espagnol una refundacion, une refondation de l’AMP. Je remercie ces collègues, et, comme je l’ai dit, je respecte les autres.

            J’entends également faire respecter par chacun dans l’Association la règle du “un par un” et l’autorité des organes responsables de l’AMP et des Écoles. Autant tous les collègues ici présents, ceux qui ont voté pour moi et ceux qui n’ont pas voté pour moi, ceux qui sont d’accord avec moi et ceux qui ne sont pas d’accord avec moi, autant ces collègues, un par un, sont ici chez eux, autant la constitution éventuelle d’une minorité de liquidation me trouvera sur son chemin. Et je suis sûr de pouvoir compter à la fois sur les organes responsables des Écoles et sur une forte majorité.

            Un souvenir. Le 17 juillet 1994, trois jours après l’Assemblée générale de Paris, j’ai pris la décision de déclarer : “ L’École Brésilienne de Psychanalyse existe désormais à titre d’École en formation ”. Un an plus tard, cette École existait effectivement. Et quand j’avais déclaré que l’École Brésilienne existait à titre d’École en formation, il n’y avait pas d’École Brésilienne, bien entendu.

Eh bien ! Je n’attendrai pas trois jours pour déclarer, ici, à Barcelone, que l’École du Champ freudien de Barcelone existe désormais à titre d’École en formation. Le signifiant est là. Il s’agira d’élaborer par la Conversation les détails de fonctionnement. Mais je le déclare : “ L’École du Champ freudien de Barcelone existe désormais à titre d’École en formation ”. Et c’est pour moi une façon de dire, à un moment qui me paraît opportun, ma reconnaissance personnelle à Barcelone, et, je pense, la reconnaissance de beaucoup d’entre vous à Barcelone. [Applaudissements]

            Quelque chose sur le résultat du vote.

            À Buenos Aires, il y a deux ans, le résultat était le suivant : 314 oui, 19 non. À Barcelone, c’est 472 oui et 92 non. Lorsque j’ai narré à Gérard Miller le résultat du vote de Buenos Aires, il m’a dit quelque chose comme : “ Tu fais mieux que Ceaucescu ” [rires]. Au moins, j’ai la satisfaction de savoir que cette fois-ci il ne pourra pas me faire cette répartie — il en trouvera certainement une autre [rires]. Moi, je lui ferai simplement observer qu’il n’a pas voté pour moi, puisqu’il n’est pas ici [rires].

            Un dernier mot. J’ai l’impression que c’est la première fois que je suis élu. J’ai fondé beaucoup d’institutions, et donc, en général, je me suis trouvé dans leurs organes de direction par le simple effet de les avoir fondées, et avec le plus grand doute sur la question de savoir si j’y aurais été élu si je ne les avais pas fondées. Il est vrai que j’ai déjà par deux fois bénéficié de la confiance de l’Assemblée générale, mais j’ai le sentiment qu’on n’avait peut-être pas encore tout à fait compris ce qu’était l’AMP, et surtout ce qu’elle serait. Et donc j’éprouve vraiment cette élection comme la première. Et je m’aperçois, curieusement, que j’aime assez ça ! [rires]

            C’est très étrange, je savais bien que la forme de l’amour chez moi est plutôt érotomaniaque que fétichiste [rires], mais se sentir soutenu, à bulletins secrets, par 472 collègues, et savoir qu’on a beaucoup occupé 92 autres [rires], donne une satisfaction que je ne veux pas vous cacher. Merci. [Applaudissements]

 

            Bernardino Horne prend la parole pour indiquer  qu’il reste  15 minutes pour clore le débat. Comme personne ne demande la parole, il déclare que la troisième Assemblée de l’Association Mondiale de psychanalyse est close.

 

TEXTE ETABLI PAR

FABIENNE HENRY ET MICHEL JOLIBOIS

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