Association mondiale de psychanalyse
Communiqué du 25 janvier 2000 (1)
Nous poursuivons la diffusion des textes liés à la réunion du Conseil de lAMP les 22 et 23 janvier à Paris. Après le résumé des principales décisions (Communiqué n° 1 du 24 janvier) et le texte du projet de Déclaration (Communiqué n° 2), voici lallocution du délégué général au Conseil, à louverture de la réunion.
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Allocution du délégué général
au Conseil de lAMP
le 22 janvier 2000
Le délégué général a accueilli les membres du Conseil par lallocution suivante.
Je vous reçois avec plaisir en ce même lieu où nous étions réunis lan passé au débouché dune crise bien désagréable, et alors que les démissions en cours nétaient pas encore toutes échues.
Aujourdhui, le ciel est clair.
La réunion de lan dernier consacrait la résistance victorieuse qui avait été opposée à la liquidation. Celle-ci préparera lécole Une. Elle a toutes les chances de permettre quelques avancées pour peu que nous sachions utiliser au mieux les heures de travail dont nous disposons.
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Comme vous le savez, *le délégué général* a été élu et réélu tous les deux ans depuis le 3 janvier 1992, jour où fut annoncée la fondation de lAssociation Mondiale. Mes quatre mandats ont été bien remplis :
- dabord, construction méthodique de lAssociation, et introduction de la passe ;
- puis, création de lécole brésilienne, et installation du *débat mondial* entre les responsables ;
- de 1996 à 1998, traversée mouvementée, en votre compagnie, du malaise, puis de la crise ;
- après Barcelone, processus de formation de trois nouvelles écoles : lécole espagnole, lécole italienne, lécole Une.
Jaimerais quitter mes fonctions à loccasion de la fondation de lécole Une. Prenons le temps, je vous en prie, de considérer lhypothèse de mon départ dès juillet prochain, ne serait-ce que pour bien voir ce qui linterdit, si cest bien le cas. Si nous pensons, après en avoir débattu, quil est mieux que je reste en place pour faire démarrer lécole Une et achever la formation de lécole italienne, jy suis disposé. Mais à supposer que lAssemblée générale de Buenos Aires me reconduise encore pour deux ans dans les fonctions de délégué général, ce sera mon dernier mandat. Je nirai pas au-delà de dix ans. En tout état de cause, je ne serai plus à la tête de lAMP à la fin du mois de juillet 2002.
En effet, la réussite dune institution, voire sa pérennité, pour autant quelle soit désirable, supposent dabord quelle sallège de la personne de son fondateur pour se développer de façon purement conforme à la logique qui lhabite. Cest ma doctrine constante, et ma manière : je ne me suis pas incrusté à la direction de lECF, ni à celle de lEEP, ni non plus à lEOL, dont jai été le premier Président.
Il fallait seulement plus de temps pour que lAMP prenne une consistance suffisante.
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La crise de 1998 a aidé à la prise de consistance de lAMP.
Internet, utilisé sans mesure par nos opposants, et par nous-mêmes avec plus de retenue (voir notamment La Dépêche électronique, 9 juin-27 septembre 1998), a permis aux membres de lAMP de vivre plusieurs mois durant au rythme des mêmes nouvelles ; ils en ont été agités ensemble, et, du coup, en quelque sorte, synchronisés et rapprochés ; la grande majorité a réagi à lunisson ; et lon a pu voir à Barcelone, il y a un an et demi, que la menace qui planait sur lexistence même de lAssociation suscitait, à travers ma personne et au-delà delle, une adhésion passionnée aux finalités de notre mouvement. Le transfert négatif, intense et virulent, qui sest manifesté chez un petit nombre de collègues éloquents, a réussi à produire inversement un puissant transfert positif de masse, et a attiré sur lAMP un investissement libidinal nouveau, que traduira à Buenos Aires la création de lécole Une.
Lécole Une en effet nest pas une invention bureaucratique supplémentaire. Cest la forme supérieure, positive, rayonnante, que va prendre notre affectio societatis. Cest dabord, je le répète, une réalité libidinale, faite pour supporter le transfert de masse qui la créée.
Au cours de lannée 1998, lopposition qua rencontrée lorientation de lAMP, sest successivement explicitée, cristallisée, et enfin évacuée de son propre mouvement. Je crois nêtre intervenu que pour scander, parfois accélérer, les étapes de ce processus. De moment en moment, jai structuré le choix qui soffrait à nos collègues, souligné quil nétait pas encore trop tard pour eux de revenir sur leurs pas, attendu quils se prononcent ; à chaque fois, ils ont pris la décision et emprunté la voie qui les ont finalement réduits à la démission ; les derniers, appartenant à lECF, une vingtaine, 24 exactement, sont partis sur un dernier faux-semblant il y a un mois, à la mi-décembre.
Effaçant lanecdote, le recul du temps confirme lanalyse qui était celle de mon Rapport devant lAssemblée générale de Barcelone le 23 juillet 1998 : lopposition que nous avons rencontrée polarisait des ressentiments et des espoirs divers ; son inspiration était liquidatrice plutôt que scissionniste ; elle sest unifiée en se soumettant au concept historique qui sest emparé delle, et quelle sest finalement prêtée à exprimer en clair : le retour, la revanche, du multiple, suscitée par le pousse-à-lUn le poussin du Champ freudien.
Cette antithèse nécessaire appelait à son tour une réplique dialectique : elle lui fut donnée par le signifiant *école Une*, cueilli par Ricardo Seldes dans mes propos de Rio de Janeiro le 27 juin 1998, et transmis par lui à Buenos Aires. Là, il sy accrocha un désir, puis une clameur, enfin une exigence. Et de là, lidée décole Une se répandit peu à peu dans notre monde :
- je la promus à Barcelone, elle y fut adoptée ;
- elle fut longuement mise à létude à lEOL dans la seconde moitié de lannée 1998 ;
- on constate ces jours-ci quelle pénètre progressivement dans lECF ;
- on constate aussi quelle est invoquée dans le débat de lEBP ;
- si lEEP reste pour linstant en arrière de la main, tout occupée quelle est à se diviser pour donner naissance à deux écoles nationales, ces dernières incarnent aussi bien, à un autre niveau, la poussée vers lUn dont je parlais, tandis que lEEP-Développement en ressent, elle aussi, les effets, comme on le sent au frémissement qui parcoure les diverses communautés plus petites quelle chapeaute ;
- enfin lECFC, tournée vers ses propres difficultés, na pu consacrer son attention à lécole Une, mais en recevra certainement le bénéfice pour la solution de sa crise actuelle, programmée de longtemps, comme le souligne Manuel Kizer.
Donc, cest décidé, il y aura lécole Une. Cest une aventure cest impossible cela se fera.
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Cette école, nous lavons définie lan dernier, à la fin de notre réunion parisienne, comme une nouvelle dimension de notre Conversation.
Nous lui donnerons cette fois sa *Déclaration*, dont le projet, né à Buenos Aires, refondu à Paris, discuté bientôt dans toute lAMP, favorisera encore la circulation du signifiant et lélaboration des significations qui lui seront attachées. Nous aurons à esquisser larchitecture de cette nouvelle institution quabritera lAMP, sans entrer dans des détails que seul le fonctionnement effectif permettra de préciser. Plus important encore, nous devrons anticiper les effets de linsertion dans le Champ freudien de cet élément inédit.
Lécole Une est lenfant du Pousse-Un, un Titi triomphant après lauto-élimination de Grosminet. Or, quand il y a triomphe, cest là quil faut soigneusement garder la mesure ce qui ici veut dire : savoir ...
1 - ... que les écoles nationales et unilingues sont là pour durer ; quune école transnationale et translinguistique ne saurait les remplacer, ni les absorber ; que le principe dit de subsidiarité, appliqué dans lEEP, puis à lAMP, est donc appelé à rester en vigueur ;
2 - ... quen même temps, conçues comme émanant dune seule et même communauté internationale rassemblée dans lécole Une, les écoles ne pourront manquer dêtre désormais perçues comme les Sections de cette école Une.
Nous trouvons ici les termes renouvelés de cette bonne vieille contradiction de lUn et du Multiple dont nous connaissons par cur les effets au sein de chaque école, et à quoi lopposition de jadis avait vainement tenté de donner un tour antagonique au sein de lAMP.
Quoi quen aient dit nos critiques, un bon équilibre avait été trouvé vers 1995 entre lAMP et les écoles, et cest ce calme précisément qui enhardit des ressentiments à se donner libre carrière (à lECF notamment, et au détriment de la passe), et encouragea des ambitions à saffirmer (politique internationale de noyaux universitaires). Lagitation qui en résulta dopa une clientèle à révéler son principe transférentiel (voir Madrid et Rio), et la conduisit à se comporter, puis à se constituer, en groupe.
La crise la déstabilisation qui en est résultée comme ce quelle a mobilisé chez nous pour triompher de la liquidation qui menaçait a paradoxalement enclenché une dynamique positive et fait souffler le vent heureux qui nous porte aujourdhui, toutes voiles dehors, vers lécole Une.
Cette école, il faut maintenant linstituer, et, pour ce faire, bien penser à modérer la force du Un, qui, effrénée, menacerait maintenant les écoles, devenues lélément *multiple* du système, donc, à terme, son élément plus faible, même si, pour lheure, lécole Une nest rien.
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Que faut-il maintenant pour que lécole Une devienne très vite une réalité concrète ?
Il faut deux choses :
a - une mise en forme, minimale, dune pratique déjà existante ;
b - une mise à lépreuve, par la pratique, de la formalisation initiale.
La formalisation doit être *light* :
- une *Déclaration* ; nous en devons lidée à Ricardo Nepomiachi, qui a déjà entraîné derrière elle les membres du Conseil de lEOL ;
- un règlement intérieur succinct (voir larticle 12 des statuts de lAMP).
La mise à lépreuve requiert des idées, un peu neuves si possible, et des initiatives, dont nous avons déjà plusieurs exemples :
- la séquence des AE, devenue habituelle lors des Rencontres internationales ; elle a aussi inspiré un Colloque mémorable à Bruxelles, inventé par Philippe Stasse, et publié sous le titre *La passe et le réel*; on retrouve souvent maintenant dans les Journées détudes des écoles, des séquences comparables, où voisinent des AE nommés par des Cartels de différentes écoles ;
- le volume de la Rencontre, dû à Judith Miller, où se rassemblent, comme des hirondelles, des articles venus de tous les azimuts ;
- cette semaine *Pratiques de lécole Une* qui commence lundi prochain, et que Yasmine Grasser et Pierre-Gilles Guéguen ont eu lidée et la volonté dorganiser ;
- la Conversation restreinte inventée et dirigée par Juan-Carlos Indart, et que le Conseil de lAMP a accepté de patronner ;
- le Florilège de juillet prochain, qui rendra manifeste que les travaux cliniques issus des cinq écoles relèvent en effet dune même école de pensée ;
- et cette liste nest pas exhaustive.
Bref, lécole Une existe en acte. Il ne lui manque que de sappareiller de quelques signifiants sa Déclaration, ses règles, le vote qui les approuve, la Grande Conversation qui les commente et vogue la galère !
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Lécole Une veut exister, *want to be*.
Sachons nous incliner.
Cédons à la logique qui nous limpose, au désir quelle suscite, au plus-de-jouir que déjà elle apporte.
Laissons-nous traverser par un mouvement qui vient de loin, et qui nous dépasse.
Maintenant, chers collègues, il est prévu un tour de table.